Conférence du SATIS 2022 : Le « Metaverse » un an après

Le jeudi 28 octobre 2021 un bouleversement s’est propagé sur toute la planète à la vitesse des ondes : Facebook devenait Meta et le public découvrait le Metaverse, ses promesses et ses espoirs. Tout s’enchaîne alors rapidement et en peu de temps, les projets, les annonces pleuvent. On parle de mondes virtuels, de  crypto-monnaies, de NFT, de bouleversement de la relation entre créateurs et public, de révolution de la donnée personnelle, etc.

Lors du SATIS 2021 nous avons tenté d’y voir un peu plus clair dans ce capharnaüm. Aujourd’hui, un an plus tard, nous vous proposons de tirer quelques leçons des projets passés et, qui sait, tenter de percevoir les évolutions à court terme. 

Conférence de Gregory Maubon (RA’PRO) – Isabel De Peuter-Rutten (GatherVerse) – Nabil Difaï (ROUSSEAU DIGITAL) – Olivia Papini (CNXR) – Thomas Boggini (Clarte)

Ce fut une heure riche de discussions et de confrontations des points de vue sur les concepts derrière le Metaverse et les quelques leçons que nous a appris l’année 2022. Je ne vais pas vous faire un résumé exhaustif des échanges car l’organisation du SATIS nous fournira très bientôt une vidéo de la discussion. Voici quelques points qui nous ont semblé intéressants.

Avant tout, nous devons constater qu’il reste encore beaucoup de confusion sur ce qu’est le Metaverse, à la fois pour les utilisateurs, les annonceurs ou les créateurs d’expériences. De multiples définitions existent, souvent portées car des groupes ou des entreprises qui ont une solution à vendre. Cette confusion n’est pas une nouveauté, on la retrouve au début de toutes les phases du numérique. D’ailleurs, faut-il définir le Metaverse (aujourd’hui) ? Est-ce un piège ? Les points de vue des intervenants étaient partagés. Les spécialistes des technologies immersives ne peuvent pas laisser les futurs utilisateurs dans le brouillard, à la merci de tous les “vendeurs de pelles” car il y aurait sans aucun doute un effet boomerang qui nuirait à tous le secteur. En même temps, donner une définition stricte alors que les technologies et les usages ne sont pas matures la rendrait vite obsolète et participerait, de fait, à la confusion. Il semble donc obligatoire de trouver un équilibre, en informant suffisamment les utilisateurs des principales caractéristiques d’un Metaverse sans s’interdire les évolutions. 

La seconde question qui est vite arrivée dans la discussion, et qui est une conséquence du point précédent, porte sur le choix de la plateforme pour entrer dans le “Metaverse”. Inutile de rappeler que l’entreprise Meta a beaucoup travaillé pour incarner cette porte d’entrée. Hors, vous le savez il y a beaucoup de choix de plateformes qui aujourd’hui permettent de vivre des expériences de réalité virtuelle ou de réalité augmentée. Même Neal Stephenson lance ses propres outils !

Retrouvez dans cet article le thème de la conférence

La maturité technique progresse et il devient de plus en plus simple d’utiliser ces outils logiciels ou matériels. Cependant, il est compliqué de cerner les utilisateurs de ces applications. On en vient parfois même à douter qu’ils existent en masse ! Encore une fois, la situation n’est pas sans rappeler les premiers pas des réseaux sociaux il y a presque 15 ans. Clairement il est difficile aujourd’hui pour un utilisateur ou pour une marque de trouver ‘le bon’ outil. La situation va probablement se stabiliser dans les 3 à 5 prochaines années. En attendant, la démarche du test and learn est efficace aujourd’hui pour se faire une idée de la pertinence des investissements. 

Troisième point important de nos discussions, la place de l’humain dans ce Metaverse en construction. Toutes les annonces depuis un an concernent la mise en place ou la réorganisation de grandes plateformes ayant vocation à “être un metaverse” dans l’esprit de leur créateurs. En termes plus simples, cela veut dire que les utilisateurs restent plus considérés comme des paquets de données que comme des personnes. On veut que ces paquets restent sur la plateforme, l’utilisent au maximum pour générer d‘autres données pour mieux les définir et, ainsi, leur proposer des produits ou des services adaptés. Cela vous rappelle quelque chose ? Le modèle de la pub sur Internet aujourd’hui. Les caractéristiques d’un Metaverse ouvert / interopérable comme peuvent le définir Matthew Ball (The Metaverse: What It Is, Where to Find it, and Who Will Build It) ou Tony Parisi (The Seven Rules of the Metaverse) sont loin. Est-il possible de changer de modèle ? On a vu cette année plusieurs initiatives qui le veulent comme le Gatherverse, les prises de position de l’Union Européenne et dans un autre domaine des rapprochements entre acteurs de la blockchain comme le “Open Metaverse Alliance for Web3”. A chaque fois, il s’agit de définir un système de gouvernance et, souvent, de se positionner contre la vision centralisée que porte Meta.

Cette partie de la discussion a également le point très particulier des créateurs de contenus. Il y a un an, la mise en lumière du Metaverse a été accompagnée par celle des NFT. La promesse d’une rétribution plus simple et plus directe des créateurs de contenu a suscité beaucoup d’enthousiasme. Fin 2022, après une année turbulente dans l’univers de la blockchain, une grande quantité d’opérations plus ou moins sérieuses et une technologie qui reste difficile à maîtriser, les choses sont calmées.  Les NFT ne sont pas l’alpha et l’oméga de la distribution de contenu et les intermédiaires, comme les grandes plateformes, restent un moyen incontournable de toucher un large public. 

Dernier point très important : Quelle est la place de la France dans les discussions sur le Metaverse et quelle est la place à prendre ? Elle reste aujourd’hui assez limitée. On peut se réjouir de la reconnaissance de la créativité française en matière de contenu. De nombreux studios ou agences proposent des expériences immersives de grande qualité et sont régulièrement primées dans les concours internationaux. Gardons cependant à l’esprit que le français est assez rare dans les expériences, mais cela n’est pas vraiment différent de l’Internet en général. Plus préoccupant, la France et l’Europe sont peu présentes dans le matériel, l’infrastructure ou les canaux de distribution des contenus immersifs. Cela rend l’écosystème très dépendant des grands acteurs (et des législations) américaines et asiatiques. Pour ceux qui se rappellent du célèbre article de Lawrence Lessig “Code is Law” (disponible ici en français), cette absence dans les “basses couches” rend très difficile toute volonté de souveraineté. Le Metaverse européen ou même français réclamé par certains est une pure fantaisie. Heureusement des initiatives comme le CNXR (Conseil National de la XR) ont vu le jour depuis un an avec l’ambition de structurer un écosystème et de le rendre plus autonome. 

Voici donc un court résumé de nos discussions, n’hésitez pas à donner votre avis sur les points abordés et à suivre les interviews des participants qui seront publiées bientôt sur ce site !

AR consultant & RA'pro president à GMC | Site Web | Plus de publications

Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.

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