NoCode et XR : le point de vue de Francis Lelong CEO d’Alegria

Après notre visite du NoCode Summit et la constatation que les applications dédiées à la XR y étaient complètement absentes, nous avons creusé la question ? Nous sommes donc allés rencontrer Francis Lelong, le CEO de Alegria pour lui demander son avis.

Francis Lelong

Bonjour Francis Lelong, vous êtes une figure reconnue dans la communauté no-code, notamment grâce à votre entreprise Alegria. Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours et de la mission d’Alegria ?

Bonjour Gérard, avec plaisir. Je suis le cofondateur d’Alegria, une aventure que j’ai lancée il y a quatre ans avec mes deux associés. Notre entreprise repose sur deux axes principaux. Le premier consiste à accompagner les entreprises dans leur adoption de trois technologies majeures : l’intelligence artificielle, les automatisations et le no-code. Nous sommes convaincus que, combinées, ces technologies peuvent accomplir des miracles pour les entreprises. C’est pourquoi nous les aidons à franchir le pas, en les formant et en les accompagnant dans le déploiement concret de ces outils.

Nous avons également une activité dédiée aux particuliers, avec des masterclasses et des webinaires pour leur permettre d’apprendre à maîtriser ces technologies. Cela inclut l’intelligence artificielle, le no-code et les outils d’automatisation. En somme, nous faisons à la fois de la formation et des prestations de services autour de ces innovations.

Quant à mon parcours, je suis entrepreneur dans la tech depuis 25 ans. J’ai notamment cofondé Sarenza.com il y a 20 ans, une entreprise pionnière dans l’e-commerce. Depuis, j’ai lancé plusieurs autres projets, avec des réussites, mais aussi des échecs – ce qui fait partie de la vie d’un entrepreneur.

Aujourd’hui, grâce à des outils comme Google Docs, ChatGPT, Zoom, ou encore Eventbrite combinés avec des plateformes comme Zapier ou Make, on peut créer des écosystèmes d’automatisation puissants. Mais en ce qui concerne la XR – et plus particulièrement la RA – j’ai remarqué, lors du No Code Summit, une faible présence de stands dédiés à la réalité augmentée appliquée au no-code. Que pensez-vous des outils immersifs no-code tels que ShapesXR, Spline ou SimLab VR ? Et quelles sont, selon vous, leurs perspectives dans des secteurs comme le B2B, l’industrie, l’immobilier ou l’événementiel ?

Effectivement, cela fait plusieurs années qu’on entend parler de l’émergence de l’écosystème AR/VR. Cependant, il n’a pas encore véritablement décollé, notamment auprès du grand public. Pourtant, de nombreuses entreprises se sont lancées dans ce domaine. Prenez l’exemple de Minsar Studio, une application française pionnière dans le no-code appliqué à l’AR/VR. Nous avons été partenaires à ses débuts chez Alegria, et c’était une belle initiative, mais elle n’a pas rencontré le succès qu’on espérait.

Même avec des avancées technologiques récentes comme le Vision Pro d’Apple ou les nouvelles versions du Quest de Meta, deux freins majeurs subsistent. Le premier, c’est la complexité des compétences nécessaires pour concevoir des environnements immersifs accessibles. Le second, c’est la question des appareils : les équipements pour profiter de ces applications restent chers ou peu pratiques.

Cela dit, ces technologies trouvent leur place dans le milieu professionnel. Des entreprises les utilisent pour des applications immersives dans la formation, par exemple dans les centrales nucléaires ou dans la défense. Ces secteurs tirent parti de l’AR et de la VR pour simuler des environnements complexes et faciliter l’apprentissage.

No code Summit 2024 à Paris

Lors du No Code Summit, il était frappant de constater l’absence d’acteurs majeurs dans l’AR/VR, alors que des outils comme Airtable, Notion, Bubble ou WeWeb connaissent une forte croissance. Ce décalage s’explique en partie par l’impact croissant de l’intelligence artificielle.

Nous assistons à une transition importante dans le monde du no-code. On distingue deux écosystèmes : celui des outils historiques comme Airtable, Make ou Notion, qui intègrent désormais l’IA, et un nouvel écosystème de solutions nativement construites autour de l’IA qui révolutionnent le prototypage d’applications. Là où il fallait autrefois passer par Figma et créer manuellement des écrans, ce type d’ outils permet de générer des prototypes en quelques minutes, avec une application fonctionnelle à la clé.

J’espère qu’une évolution similaire se produira pour l’AR et la VR. Si les outils immersifs parviennent à suivre cette dynamique IA-first, ils pourraient enfin atteindre leur plein potentiel et s’imposer dans des secteurs comme l’événementiel, l’immobilier ou l’industrie. Nous avons encore un peu de chemin à parcourir, mais les signaux sont encourageants.

On entend souvent parler de l’importance d’automatiser les workflows avec des outils comme Make ou Bubble. Pourtant, le passage aux formats immersifs, notamment pour la formation ou la présentation, semble difficile pour les entreprises. Pourquoi, selon vous, ce changement vers l’immersif est-il si complexe ?

C’est un ensemble de facteurs. Lorsque quelque chose peine à décoller, c’est souvent à cause de plusieurs freins : la conduite du changement, la « legacy » des systèmes existants, les coûts, et bien sûr, les contraintes liées aux appareils. Si on fait un parallèle, l’humain change rarement par choix ; c’est souvent lorsqu’il n’a pas d’autre option. Regardez ce qui s’est passé avec le télétravail et la pandémie de COVID-19 : les outils de visioconférence se sont imposés, tout le monde les a utilisés, et nous avons découvert leurs avantages. Aujourd’hui, qui fait encore des rendez-vous commerciaux exclusivement en présentiel ? Personnellement, presque 100 % de mes premiers rendez-vous professionnels se font en vidéo, et il nous est arrivé de signer des clients sans jamais les avoir rencontrés physiquement.

Cependant, je ne crois pas à un basculement massif et soudain vers l’immersif. Ce n’est pas demain que tout le monde va adopter l’AR/VR du jour au lendemain. Ce qui va plutôt se produire, c’est une convergence progressive entre nouvelles technologies, nouveaux appareils et cas d’usage concrets.

Malgré la sortie de l’Apple Vision Pro, les usages de la XR restent compliqués à appréhender pour la majorité des personnes.

Prenons l’exemple de l’intelligence artificielle : son adoption dans les entreprises repose principalement sur deux éléments clés, la formation et la donnée. Pour l’AR/VR, on observe un engouement latent, mais les cas d’usage sont moins universels que ceux des automatisations, par exemple. Automatiser un workflow ou connecter des outils avec Make ou Zapier est pertinent pour presque toutes les entreprises. Mais passer d’Excel à Airtable, c’est beaucoup plus simple et intuitif que d’imaginer et de créer des usages totalement nouveaux en AR/VR.

Un domaine connexe au no-code qui connaît une forte croissance est le backend automation. Pendant des années, nous avons utilisé des outils de RPA (Robotic Process Automation) comme UI Path pour automatiser des tâches front-end, comme cliquer sur des sites ou scraper des données. Aujourd’hui, des outils comme Make ou Zapier révolutionnent le back-end en permettant de connecter des logiciels en quelques clics. C’est rare de voir un domaine se développer aussi vite et aussi fort.

Pour l’AR/VR, nous sommes encore dans une phase d’émergence. Il faut non seulement trouver des cas d’usage pertinents, mais aussi former les utilisateurs, développer des outils accessibles et créer un modèle économique viable. Sans le no-code et l’IA, ces technologies resteront réservées aux experts.

Le marché de l’AR/VR promet beaucoup depuis une décennie. Nous l’avons vu avec l’engouement autour des métavers, mais cela n’a pas duré faute d’un modèle économique convaincant. Tout repose sur une alchimie : des outils simples, des cas d’usage clairs, des formations accessibles et une adoption progressive. Peut-être que nous arrivons enfin à ce moment charnière, mais il reste encore du chemin à parcourir.

Plus de publications

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *