La réalité augmentée a-t-elle besoin d’un droit spécifique aujourd’hui ?

Photo credit: RaeAllen / Foter / CC BY

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Nous revenons régulièrement ici sur certaines conséquences juridiques de l’utilisation et du développement de la Réalité Augmentée. Suite à la publication en février dernier d’un très bon article de Caroline Laverdet dans « Expertise », je vous propose de refaire un point sur le domaine. Attention, mon inculture juridique ne me permet pas d’aller au fond des choses, je me contenterai donc d’une vision globale.

Comme vous le savez, la réalité augmentée est une technologie composée d’un ensemble d’autres technologies, qui sont également utilisées dans des tas de domaines du numérique. La reconnaissance d’images par exemple est une brique fondamentale de la RA, mais est également utile à un grand ensemble d’autres usages. Est-ce que ces briques posent des questions juridiques ? Oui. Est-ce que ces questions sont spécifiques à la RA ? Pour moi, pas vraiment. La première partie de l’article de Caroline Laverdet par exemple rassemble des problématiques de ce type.

  • La géolocalisation : C’est le serpent de mer du numérique et du droit depuis des années déjà. La CNIL publie régulièrement des avis sur les usages et les technologies. Evidemment la RA est fortement « localisante » soit à partir de coordonnées géographique, soit de manière plus indirecte en localisation par exemple un élément physique à augmenter (un panneau, du mobilier urbain, etc.) mais elle ne change pas en profondeur le problème du consentement actif de l’utilisateur.
  • La prise de photos ou vidéos sans autorisation : La plupart des dispositifs de réalité augmentée étant optiques (smartphone, lunettes, etc.) ils captent leur environnement avec une caméra. Es-ce que cela pose un problème particulier lié à la discrétion du dispositif ? Est-ce différent de celui de l’usage d’une caméra-stylo que l’on peut trouver à moins de 20 euros sur Internet ? Je ne le pense pas.
  • La reconnaissance faciale : Encore un sujet épineux depuis de nombreuses années. La technologie est mature, et embarquée dans des tas d’applications (vidéosurveillance, réseaux sociaux, etc.) qui doivent évidemment passer par la CNIL en France. Rien de spécifique n’est indiquée à ma connaissance au sujet de la réalité augmentée;
  • Traitement globale de donnée, Big Data et croisement de fichiers : Ici encore, ce sont des technologies utilisées par la réalité augmentée mais de manière non spécifiques.

orangedresssite1Il y a cependant quelques axes où les questions juridiques deviennent spécifiques à la réalité augmentée, ou plutôt à ses usages. Comme le précise l’article, l’ « ARsquatting » en est un puisqu’il s’agit par exemple de substituer à une marque (son image, son logo) des éléments qui ne la concerne pas, et cela souvent sans son autorisation. Le cas de Total est présenté dans l’article et il y en a d’autres (« Ambush marketing in the virtual space« , « No Ad, quand la réalité augmentée remplace la publicité par des œuvres d’art« ). L’interprétation des faits risque d’être un peu discuté puisque la concurrence déloyale, le dénigrement ou l’atteinte à l’image passe par des applications potentiellement privées …

layar-screenshotUne autre question se pose qui n’est pas mentionnée dans l’article et qui touche le droit de la publicité et plus généralement au droit de l’air (« Air rights« ), de l’espace public et de l’espace privé. Comme avec de la RA on peut mettre à peu près n’importe quoi n’importe où, cela peut donner des situations étranges. On peut par exemple mettre un magasin « virtuel » en plein milieu de la place de la République de Rennes et démarrer une activité commerciale dans un espace public … Vous trouverez un approfondissement de la question dans l’article « Who Owns the Advertising Space in an Augmented Reality World? » de John C. Havens.

En bref, le droit est bien interrogé par les usages de la réalité augmentée qui se dessinent. Dans beaucoup de cas, c’est la brique technologique utilisée qui est en cause et la RA n’a pas de position spécifique. Dans d’autres cas par contre c’est la notion de virtuel même qui est en cause, avec ces effets dans le monde réel. Pour aller plus loin je vous invite à consulter les excellents travaux de Brian Wassom « 5 Predictions for Augmented Reality Law in 2013 » et « Augmented Legality 1.0 »

 

AR consultant & RA'pro president à GMC | Site Web | Plus de publications

Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.

6 comments for “La réalité augmentée a-t-elle besoin d’un droit spécifique aujourd’hui ?

  1. Bonjour,

    Votre article est très intéressant. C’est une approche très originale sur les possibles applications de la réalité augmentée.

  2. […] Nous revenons régulièrement ici sur certaines conséquences juridiques de l'utilisation et du développement de la Réalité Augmentée. Suite à la publication en février dernier d'un très bon article de Caroline Levardet dans "Expertise", je vous propose de refaire un point…  […]

  3. […] Autant de banals clics qui génèrent pourtant une quantité non négligeable d’émissions de CO2. L’envoi de courrier électronique dans une entreprise de 100 personnes équivaut à quatorze allers-retours Paris – New York (13,6 tonnes de CO2) chaque année. Quant aux requêtes Internet, via un moteur de recherche, elles représentent en moyenne 9,9 kg de CO2 par an et par internaute. La réalité augmentée a-t-elle besoin d’un droit spécifique aujourd’hui. […]

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