Laval Virtual 2019, ce que nous avons retenu (2/2)

Article rédigé avec Jean-François Kitchiguine! Parce oui, pour WordPress, il n’y a qu’un auteur possible 🙂

Après la vision transverse du dernier Laval Virtual que nous avons décrite la semaine dernière je vous propose d’explorer les discussions qui se sont déroulées dans les sessions thématiques et, comme précédemment, d’en extraire les points saillants.

Défense

Dans le secteur de la défense, l’arrivée « sur le terrain » de la XR a été beaucoup discutée car, même si elle facilite le travail des personne, elle accentue encore la dépendance à l’information. Même si le matériel est sécurisé, les réseaux et les données restent des éléments particulièrement sensibles et la notion de cyber conflits n’a jamais été aussi réel. Tout le travail actuellement est d’utiliser ces outils (qui, soyons clair, donne un avantage décisif) tout en développant la résilience de la structure. Pas simple … d’autant plus que la XR est utilisée potentiellement à toutes les étapes d’une engagement (avant / pendant / après).

Le modèle IVAS de Microsoft développé avec l’US army n’tait pas sur le salon mais dans toutes les têtes !

Le conflit entre les cycles d’évolution des technologies de la XR et celui des programmes militaires est revenu dans les discussions comme l’an dernier. On note cependant un léger changement de positionnement des utilisateurs qui, aujourd’hui, cherchent à s’adapter à ces temps courts, quitte à revoir leurs méthodes de prévision. Ce sont les différents « labs » que l’on voit émerger dans tous les secteurs de la défense et de la sécurité (Army Futures Command de l’US Army à Austin, l’Innovation Défense Lab de l’armée française) . L’avenir nous dira si cette évolution est pérenne.

Construction et architecture

Dans la construction les choses bougent vite et en particulier en Chine qui est aujourd’hui le premier pays en nombre de dépôt de brevets dans ce secteur.

Pour faire simple, les constructions sont de plus en plus complexes. Les possibilités des matériaux sont immenses, les contraintes environnementales fortes et les exigences des futurs habitants phénoménales ! Pour mener à bien toutes les phases de la vie d’une construction, depuis sa conception jusqu’à sa démolition, la XR devient une obligation. Comme le BIM avance, poussé par les grand constructeurs, la maquette numérique devient facilement accessible et « intelligente ». La XR se nourrit de plus en plus facilement de ses données.

Nous avons pu voir de nombreux outils de formation XR pour la construction sur Laval Virtual 2019

Une autre remarque intéressante a été apporté sur les liens entre l’utilisation de la XR et le design. La possibilité de visualisation naturelle des idées de structures, le plus tôt possible dans le projet, “démocratise” le design. Même si tout le monde n’est pas designer, les intervenants d’un projet ont beaucoup plus de facilité à comprendre les choix et à exprimer leurs opinions.

Dans ce domaine, il a beaucoup été questions également de la mise en place des solutions de XR sur le terrain et, ici également, on note que l’adaptation à l’utilisation (et plus généralement aux enjeux) de ces technologies est encore à faire. Et oui, on reparle de formation par les outils et aux outils.

Industrie

Le secteur de l’industrie automobile et aéronautique a été l’un des premiers à utiliser la réalité augmentée à des fins de maintenance et de formation. Rappelons que Airbus, c’est au total + de 300 POCs d’AR et VR sur 20 ans!

HOLOFORGE proposait sur Laval Virtual 2019 une impressionnante démonstration de maintenance augmentée

Les entreprises proposant des solutions aux acteurs du secteur industriel étaient, comme chaque année, bien présentes à Laval Virtual édition 2019. Ce que nous pouvons constater c’est que les technologies sont de plus en plus précises, notamment en terme de reconnaissance d’objet réels (moteurs / turbines / éléments de voitures..) ce qui a pour impact positif une amélioration du tracking (fait que les éléments virtuels se superposent parfaitement sur le réel, peu importe l’angle de visionnage).

Sur cette nouvelle édition, nous pouvions voir une tendance se confirmer : L’utilisation de la réalité augmentée collaborative en milieu industriel. Ce n’est pas un nouveau concept, mais celui-ci est de mieux en mieux maîtrisée par quelques acteurs dont MiddleVR (co-organisateur de le session de conférence Industry 4.0 et éditeur de la solution collaborative immersive ImprooVR). Cela permet de former plus rapidement les nouvelles recrues, de concevoir en réduisant le nombre d’itérations ou simplement de proposer une assistance technique plus efficace.

Les CAVE ne sont pas morts et sont aujourd’hui les outils les plus simples pour faire entrer des « novices » dans la collaboration immersive d’après SAFRAN

Mais afin de pouvoir déployer en masse de la réalité augmentée en entreprise, il faut s’attaquer à un problème colossal qui est la réutilisation du contenu (créé par les bureaux d’études) jusque dans les casques de réalité augmentée et virtuelle sur le terrain. Il existe des stratégies différentes selon les entreprises qui offrent ces solutions. Certains vont créer une solution qui viendra se brancher sur l’architecture logicielle existante du client, d’autres vont proposer de remplacer cette architecture existante par une suite complète intégrant des outils de création de contenu 3D jusqu’à son exploitation à des fins marketing par exemple. Ce que démontre ce dernier point, c’est que les casques de RA et les tablettes se sont installés en entreprise. Le stade du “Est-ce que ça va réellement servir à quelque chose?” est dépassé. Il suffit maintenant d’optimiser la création de contenu et de permettre une réutilisation à moindre coût de ce même contenu.

Dans la session de conférences consacrée à l’industrie, nous avons pu constater également la grande maturité du secteur avec, aujourd’hui, une meilleure compréhension des besoins côté prestataires et des “choses possibles” côté utilisateurs. Si on résume un peu rudement, les prestataires ne vendent plus du vent et les utilisateurs ne demande plus la Lune pour le prix d’un expresso … Cette écoute mutuelle tend à uniformiser les technologies pour aller vers cette plateformisation dont nous avons parler. Comme le précisait un des intervenants “It is not an issue of specific tool, but more an issue of specific needs.” Mais ces besoins peuvent être décrits de manière plus standards pour pouvoir être utiliser plus simplement. Nous sommes certainement dans une phase de transformation, passant du “développement” de solutions nouvelles au “paramétrage” de solutions existantes. L’effet immédiat de cette évolution est une baisse des coûts de mise en place qui va permette à la XR d’investir le domaine des ETI et des PMI.

Du point de vue des intervenants il reste tout de même à travailler la transformation induite par l’arrivée de la XR dans les industries et là, on ne parle pas de problèmes technologiques mais bien d’accompagnement au changement.

Santé

La santé a été assez discrète sur le salon cette année. Dans la partie conférence les intervenants ont insisté sur la plus grande maturité du secteur. Pour le moment beaucoup d’utilisations ont été conçues en amateur (au plus noble sens du terme) mais pour aller plus loin, vers un usages généralisé, il est maintenant nécessaire de suivre les “circuits classiques”. En médecine cela implique de plus en plus d’essais randomisés, cliniques, de publications de recherche. C’est la tendance qu’on voit depuis un an et c’est certainement pour cela que le marché va probablement de structurer dans les 2 à 4 prochaines années.

En santé, les outils immersives sont de plus en plus simples à trouver et à utiliser

Comme dans les autres domaines, la formation est en avance sur les autres fonctions et des solutions robustes existent déjà pour les professionnels de santé. Coté patients, tout le monde s’accorde à dire que la XR va être une avancée majeure pour autonomiser les personnes et les rendre acteurs de leur propre traitement. Cependant, les frontières plus que floues entre médecine, bien être, développement personnel et sport rendent parfois les choses compliquées, surtout quand il s’agit de suivre les réglementations !

Un grand enjeux des prochaines années sera d’impliquer les profils créatifs dans la création de contenus à vocation santé. Aujourd’hui les expériences restent globalement pauvres coté scénarios et UX, ce qui n’engage pas les patient à utiliser les outils.

Il reste également à traiter le cas des données de santé qui doivent être utilisées pour faire fonctionner ces applications. On sait que par nature la XR est particulièrement intrusive et que l’utilisation de l’ IA pour améliorer la personnalisation des suivis ne va pas arranger les choses. Peut-on sérieusement travailler sur des applications de santé qui utilisent des plateformes d’acteurs commerciaux comme les GAFA ou les BATIX ? La réponses à ces questions est particulièrement importante car si elle se pose de manière aiguë pour les données de santé dans l’XR, elle reviendra après pour toute les autres données.

Retail

Le commerce est un secteur toujours surprenant, mélangeant révolution des usages et conservatisme des pratiques, parfois à l’intérieur de la même entreprise! Nous avons vu cette année encore de belles réalisations, avec en particulier les récentes démonstration présentées au NRF 2019 de New York (même si les technologies immersives y étaient assez discrètes cette année)

Une déclinaison du miroir magique qui s’adapte à la personne

Globalement les usages de la XR semblent plus pragmatiques, avec l’idée claire que l’objectif du commerce est de vendre (oui je sais cela semble évident, et pourtant…) des produits et des services. A la question “Est-ce que l’introduction des technologies immersives permets de créer de nouvelles typologies de marché (nouveaux consommateurs, nouveaux secteurs) ?” la réponse est compliquée … même de la part des professionnels du domaine. Il est certain qu’une certaine population (en moyenne plutôt jeune, plutôt connectée et plutôt urbaine) est sensible à l’utilisation de la XR dans l’acte d’achat. On peut mesurer objectivement sur certaines opérations des taux de conversion largement améliorés. Est-ce que cette constatation sera une constante dans le temps ou allons nous plutôt assister à un “effet airbag” (en gros, cela devient la norme et c’est le fait de ne pas en proposer qui pénalise) ? Il est trop tôt pour le dire.

L’idée est d’éviter au maximum les frictions dans le processus, et en particulier celui du paiement. Pour cela, la XR est utilisée pour rendre le magasin (s’il existe) plus attrayant, pour en faire un lieu de vie et d’expérience. Le côté jeux est également utilisé, en complément de toutes les autres technologies qui peuvent aussi apporter un coté ludique à l’expérience. La vraie nouveauté est peut-être que le consommateurs n’est plus la seule cible des expériences, le vendeur (re)devient une composante importante de l’équation. C’est très lui qui doit être augmentée pour l’aider à mieux faire son job et à accompagner les clients dans leur choix et dans leurs achats.

Enfin, se pose également la question des canaux de distribution des expériences de XR qui aujourd’hui semblent de plus en plus liés aux géants du numériques (GAFA et BATIX). De la distribution des expériences à celle des produits (avec captation des marges) il n’y a pas beaucoup d’espace … et à la fin c’est Amazon qui gagne ? #privatejoke

Un point que les “risques”

Juste avant de conclure, nous voulons attirer votre attention sur un point intéressant. Avec la diffusion de la XR dans tous les secteurs et avec le recul dans les milieux industriels (presque 10 ans aujourd’hui) est apparu pour la première fois des questions sur la résilience des gens en cas de problème. Il est vrai que le secteur de la défense s’interroge sur le sujet depuis des années mais de manière globale. Nous avons senti cette année une tendance à s’interroger sur les “risques” d’utilisation des technologies immersives.  Cette notion de risque étant à prendre en compte non pas comme un frein à l’utilisation des technologies immersives mais comme une manière de les faire évoluer.

Comme rien n’est vraiment structurer dans ce domaine, a l’intérieur de RA’pro nous avons commencé à cartographier ces risques pour ensuite les classer. En voici le premier rendu sous forme de mindmap, il a vocation à évoluer. Si vous avez des idées la dessus et si vous voulez participer à ce travail n’hésitez pas à nous contacter.

Une première tentative de structuration des risques diffus évoqués à Laval Virtual 2019

Conclusions

Encore une belle édition du salon qui reste le seul endroit où, en 3 jours, vous pouvez faire le tour des technologies immersive avec les utilisateurs et les prestataires ! Les innovations étaient moins spectaculaires cette année et le usages plus matures. C’est une tendances que nous observons depuis deux ans et qui nous fait dire que RA et RV sont bien aujourd’hui dans la « bonne partie » du Hype Cycle de Gartner 🙂 La question de la résilience qui est apparue cette année est particulièrement intéressante car elle montre que la question de la transformation de nos modes de travail (pour ne pas dire de nos modes de vie) par les technologies immersives arrive dans l’esprit des gens, non pas comme de la science-fiction mais comme une réalité. Vivement Laval Virtual 2020 !

Quelques sources à propos de Laval Virtual 2019

Laval Virtual 2019 : 5 innovations à suivre
https://www.digital.sncf.com/actualites/laval-virtual-2019-5-innovations-suivre

Pour Dassault Systèmes, la réalité augmentée à la traîne dans l’industrie http://www.usinenouvelle.com/editorial/au-laval-virtual-la-faible-percee-de-la-realite-augmentee-dans-l-industrie.N821565

Laval Virtual 2019 : bilan du plus grand salon européen de réalité virtuelle https://www.realite-virtuelle.com/laval-virtual-2019-bilan-2

A Laval, la réalité virtuelle a trouvé son terrain https://www.villeintelligente-mag.fr/A-Laval-la-realite-virtuelle-a-trouve-son-terrain_a675.html

Laval Virtual 2019 : On y était, voilà nos impressions https://culturellementvotre.fr/2019/04/01/evenement-laval-2019-on-y-etait-voila-nos-impressions

Plongez dans la réalité virtuelle à Laval Virtual 2019 avec France 3 et France Bleu !
https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/mayenne/laval/plongez-realite-virtuelle-laval-virtual-2019-france-3-france-bleu-1642838.html

Laval Virtual 2019, l’équipe Wanadev y était ! Retour sur la semaine http://www.wanadev.fr/168-laval-virtual-2019-lequipe-wanadev-y-etait-retour-sur-la-semaine

Laval Virtual. La réalité virtuelle au service de la santé https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/laval-53000/laval-la-realite-virtuelle-au-service-de-la-sante-6273445

Laval Virtual 2019 : on a marché sur la lune ! https://www.youtube.com/watch?v=pwaC9Jcacck

AR consultant & RA'pro president à GMC | Site Web | Plus de publications

Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.

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