Le 3 avril dernier nous avons organisé un RA’telier sur les possibilités de narration en réalité augmentée. Avec le concours de Gérard Bernasconi de virtualscript.fr (dont vous pouvez retrouver l’interview ici) nous avons échangé pendant presque 2 heures sur ce sujet. Je vous propose donc quelques éléments de ces discussions dans cet article en gardant à l’esprit que c’est une synthèse incomplète et forcément partiale. Pour bénéficier de l’ensemble des échanges, participez aux RA’telier !
Pour aller plus loin je vous invite à consulter les articles dédiés à ce sujet sur le site de Gérard Bernasconi, virtualscript.fr, et en particulier la série consacrée à la réalité augmentée.
Qu’est-ce qu’une narration ? La question est loin d’être simple ! Entre une création artistique et une démarche commerciale les différentes sont nombreuses, mais on retrouve la notion de scénario, d’intention de la part du créateur. Cela ne se limite pas à une série d’actions enchainées, Il faut des enjeux particuliers dans l’ “histoire” pour parler de narration.
Ces enjeux sont décrits dans un scénario mais la réalité augmentée impose un point de vue très particulier. Le cinéma et la TV travaillent sur le point de vue du réalisateur, la lecture de celui de l’auteur. En réalité augmentée, le point de vue est celui de l’utilisateur. Le créateur ne fournit que le contenu. Il peut donc y avoir des éléments “perturbateurs” : une personne passe dans le champ de vision de l’expérience, les bruits du monde réel se superpose à ceux de l’expérience, etc. La narration doit savoir ramener les utilisateurs à l’intérieur de l’histoire. Comment attirer l’attention ? Comment mettre le focus sur le sujet le plus important ? Faut-il privilégier les interactions avec une personne fictive pour créer de l’empathie ou avec l’interface dont l’UX deviendra primordial ? Les échanges ont montré que la simplicité paye et qu’une simple “sphère volante” peut être un guide parfaitement adapté.
Il faudrait dans l’absolu pouvoir détecter quand la personne se détourne et adapter l’histoire à cette attention. Mais évidemment, les profils utilisateurs sont nombreux et ne réagissent pas tous de la même manière. Est-il possible de détecter les intentions de l’utilisateurs et de “prévoir” à l’avance les adaptations, ou les pauses, nécessaires ? Les analyses de comportements existent déjà dans d’autres secteurs, rien n’interdit à la narration d’en inclure les principes.
Cela pose également la question de la linéarité du scénario et de la zone de liberté qu’il peut proposer à l’utilisateur. Est-ce que la contrainte doit être forte ? Cela dépend principalement de l’objectif de l’expérience. Dans la formation, on reste dans un scénario très figé ou les étapes sont obligatoires et doivent être suivies. Dans la fiction, il est possible de donner plus d’ouverture à l’utilisateur. C’est une démarche qui ressemble beaucoup à création de jeux vidéos en “Open World” où la trame principale de l’action s’imbrique dans un univers plus large, explorable et finalement assez libre.
La dernière interrogation qui a suscité de vifs échanges a porté sur le lien entre la technologie et l’histoire. Si nous avons tous convenu que l’utilisateur doit oublier la réalité et vivre l’histoire (pour éviter la gadgetisation), force est de constater que la réalité augmentée porte toujours un potentiel d’émerveillement important. Le fameux effet whaou dont on parle régulièrement sur ce site (depuis 10 ans!) est loin d’être passé. Aujourd’hui il est donc nécessaire de prendre en compte cet effet dans la narration pour éviter qu’il n’exclipse une partie de l’histoire. On peut imaginer par exemple une période d’explication, une sorte de sas d’embarquement, avant d’entrer vraiment dans l’histoire. Au cours de la narration, ce principe peut également être utilisé pour faire découvrir sereinement de nouvelles choses.
Dans l’ensemble des autres sujets abordés au cours de ce RA’telier, je note également l’interrogation sur la place de l’humain, de l’empathie, de l’émotion dans les narrations en réalité augmentée. Le fait de pouvoir mélanger des éléments réels avec des créations numériques donne une forte puissance de conviction à la démarche. Est-ce qu’il faut se préoccuper des conséquences encore plus qu’avec les autres médias ? On retombe comme souvent sur la question de l’éthique …
Bref, comme vous l’avez compris, la création d’expériences narratives en réalité augmentée en est encore à ses balbutiements et beaucoup de choses doivent être testées. Si vous avez une vision ou une expérience dans ce domaine, n’hésitez pas à donner votre avis en commentaire !
Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.