Alain Goudey de AtooMedia nous parle de l’aspect sonore de la réalité augmentée

Alain GoudeyC’est avec un grand plaisir que j’ai rencontré Alain Goudey au cours des journées Reims Images. Avec un tel spécialiste du son et de ses utilisations en marketing et communication, comment ne pas parler du lien avec la réalité augmentée !

Bonjour Alain, avant tout pourrais-tu te présenter et nous dire en quelques mots les missions de AtooMedia ?

Je suis à la fois Professeur Associé en marketing à NEOMA Business School (plutôt autour de sujets comme le marketing de produits high-tech, l’innovation et la créativité) et Directeur Associé d’AtooMedia, agence de communication sonore et de design musical.

Au sein de NEOMA Business School j’ai co-fondé l’Institut de Recherche SPoC (Smart Product & Consumption) qui s’intéresse à la consommation des technologies connectées.

La mission d’AtooMedia est d’accompagner ses clients sur leur identité sonore, à savoir l’utilisation de voix, de musiques et de sons dans leur communication d’entreprise, sur tous les supports : en radio, en TV, sur Internet, en téléphonie, sur des apps mobiles, ou encore en magasin. Nous leur permettons de faire entendre leur image quelque soit le vecteur de communication choisi.

atoomediaLe sujet des réalités virtuelles ou augmentées sonores se trouve donc à la confluence de mes deux activités !

Parlons de l’importance du son dans un environnement virtuel pour commencer. En quoi est-il utile ? Qu’apporte-t-il à la simulation ?

Avant de parler de l’importance du son dans un environnement virtuel, il est indispensable d’avoir conscience de l’impact que peut avoir le son sur l’individu. Il est colossal et repose sur quatre niveaux : physiologique, affectif, cognitif et comportemental.

Ainsi le son peut favoriser l’émission de dopamine ou au contraire de cortisol fonction de son caractère émotionnel apaisant ou stressant. Une musique peut favoriser l’émergence d’émotions positives ou au contraire d’émotions négatives. Un petit ensemble de note peut se rappeler à votre mémoire et faire réapparaître des scènes de votre vie ou une publicité. Enfin, un tempo rapide va avoir tendance à vous dynamiser dans vos déplacements. Le plus simple c’est encore de ressentir cela, je vous propose de regarder et écouter mon intervention TEDx sur ces phénomènes.

Vous l’aurez compris, le son apporte énormément à l’expérience vécue. Ce qui est vrai dans le monde réel est tout à fait transposable dans un environnement virtuel. L’industrie du cinéma ou du jeu video l’a bien compris : la bande son d’un film est très travaillée afin de permettre aux images de s’exprimer au mieux (voir les Dents de la Mer, Psychose ou encore Star Wars où le thème musical évolue fonction de l’importance du côté obscur de la Force au fil des images) !

Ainsi l’atmosphère sonore en réalité virtuelle est capitale. Elle va contribuer à renforcer le degré d’immersion dans l’expérience virtuelle et ainsi favoriser une expérience marquante.

Après, tout dépend de l’objectif poursuivi par l’environnement virtuel :

  • soit il vise à se rapprocher d’une réalité qu’on souhaite rendre la plus concrète possible : les sons utilisés vont alors devoir reprendre le codes de l’époque ou du lieu visé. Les musiques vont nécessairement s’inspirer des pratiques musicales et s’appuyer sur des marqueurs psycho-acoustiques de l’espace-temps considéré jouant ainsi sur la dimension cognitive. Ils devront aussi respecter précisément et fidèlement l’acoustique du lieu visité sous prétexte d’être évalués comme non crédibles et de dégrader fortement et immédiatement l’expérience.
  • soit il vise à développer un univers fantasmatique : auquel cas les sons et musiques vont être davantage choisis pour renforcer un état émotionnel accompagnant de manière congruente l’image visuelle développée.

La démarche technique va viser ici à annihiler complètement la perception sonore naturelle (par les méthodes de diffusion d’ondes en opposition de phase) pour diffuser la réalité virtuelle sonore voulue (et uniquement celle là).

Est-ce que nous pouvons imaginer les mêmes bénéfices dans une expérience de réalité augmentée ?

Sur le principe oui. Car une réalité augmentée sonore vise à ajouter une information numérique sur un son, un son numérique sur une perception réelle, voire un son sur un son. Un exemple trivial de réalité augmentée sonore est l’application Shazam qui permet de retrouver rapidement le titre et l’artiste de la chanson que l’on est en train d’écouter.

Photo credit: t_a_i_s / Foter / CC BY-NC-SA

Photo credit: t_a_i_s / Foter / CC BY-NC-SA

On pourrait imaginer recréer l’environnement sonore du Stade de France lors d’un grand match pour la diffuser en réalité augmentée lors des visites du stade quand il est vide. Le son va venir enrichir l’expérience de réalité augmentée favorablement pour peu que les audios utilisés soient cohérents avec les éléments visuels.

En effet, en matière de superposition sensorielle, la non congruence des stimulations à un effet néfaste sur la qualité perçue de l’expérience car le décalage fait aussitôt naître une forme de méfiance perceptuelle (par exemple reprendre l’ambiance sonore d’un petit stade pour l’appliquer au Stade France, alors que la réverbération globale du lieu ne sera pas la même et que les indices d’absorption des matériaux seront aussi différents, etc.).

Quels sont les difficultés propres à une expérience de réalité augmentée sonore ?

Photo credit: Naccarato / Foter / CC BY-NC-SA

Photo credit: Naccarato / Foter / CC BY-NC-SA

Au-delà de la non congruence déjà évoquée ci-dessus, il y a deux phénomènes encore plus importants qui représentent une contrainte forte en terme d’augmentation sonore : l’effet de masque et la capacité de traitement global de l’individu.

L’effet de masque se produit quand vous superposez deux sources sonores. Souvent l’une “disparaît” au profit de la seconde voire les deux sources deviennent incompréhensibles. Un bruit, une musique ou une voix en ajout peut venir masquer le son initial alors qu’il s’agissait de l’augmenter… par exemple le bruit de l’eau qui coule masque plutôt bien la voix humaine et rend les conversations compliquées au moment de la vaisselle !

L’individu a une capacité globale de traitement sensoriel. La dépasser revient à sacrifier une partie du message sensoriel car tout ne sera pas perçu, retenu, mémorisé. La difficulté est que ce qui est sacrifié dépend de chaque individu qui a sa propre stratégie pour réduire cette sur-stimulation sensorielle.

Que pouvons-nous imaginer pour surmonter ces difficultés ?

Dans le cas d’une expérience sonore augmentée il semble possible de capter l’environnement sonore réel pour le retraiter de telle sorte à intégrer un niveau d’augmentation sonore voulue (et éviter à la fois effet de masque et saturation de traitement).

Par exemple :

  • on accepte 0% du volume sonore réel et on diffuse du 100% virtuel sonore : c’est le cas de l’expérience sonore virtuelle et de la visite de stade évoquée ci-dessus.
  • on prend 50% du volume sonore réel et on ajoute 50% de virtuel : on peut imaginer un audioguide augmenté en pareil cas où on fera voyager l’utilisateur dans des paysages sonores modifiés mais ayant une base fortement ancrée dans son expérience sensible.

Le dernier cas (100% de réel) correspond davantage à augmenter les capacités de l’homme en lui permettant par un retraitement adéquat de percevoir le sonore au-delà de ses capacités naturelles (infrasons, ultra-sons)… ce qu’on fait déjà souvent en visuel avec les outils de vision nocturne.

Merci Alain pour cet éclairage instructif sur le son et la réalité augmentée !

Consultant réalité augmentée à GMC | Site Web | Plus de publications

Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.

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