Rendez-vous en Normandie pour aller à la rencontre de 44 screens, un studio de création, spécialisé dans le tourisme et le patrimoine, où la technologie se met au service de la narration.
Bonjour Lionel, pourrais tu tout d’abords nous en dire un peu plus sur toi et sur 44 screens ?
Avant de créer le studio 44 screens, j’ai travaillé à Biplan qui est l’agence audiovisuelle leader en Normandie et qui compte plus de 50 documentaires à son actif. A l’époque, j’étais en charge de la diversification de l’entreprise. Dès 2009, nous avons eu l’idée d’utiliser les smartphones et les tablettes pour montrer l’invisible. Il faut se rappeler que l’iphone n’avait même pas deux ans !
A l’aide d’un partenariat technologique avec une entreprise canadienne, nous avons développé les premières vues de réalité augmentée mobiles pour le patrimoine. C’était dans le cadre du château de Cherbourg. Aujourd’hui encore, Biplan est contacté grâce à cette référence qui a fait date.
C’est en 2013 que nous avons décidé de créer 44 screens. Le moment était bon. Nous recevions le Prix International de l’Innovation en Tourisme décerné par l’Organisation Mondiale du Tourisme pour le projet ARROMANCHES 1944. C’est d’ailleurs de là que vient le nom du studio. C’est à la fois un clin d’oeil à cette application liée aux plages du Débarquement et à nos origines normandes.
Ensuite, c’est allé très vite et nous avons commencé à travaillé à l’export pour des marchés en Espagne. Parallèlement, nous consacrions près d’un tiers de notre activité dans la recherche fondamentale grâce au partenariat stratégique avec deux laboratoires publics en Normandie et à Barcelone.
Aujourd’hui, notre activité se décline en trois marchés :
- Les visites augmentées pour le patrimoine, les musées et les sites historiques
- L’aide à la randonnée et le tourisme outdoor, nous sommes le partenaire officiel de la fédération française de randonnée pédestre et son équivalent en Espagne
- La visite de territoire à travers l’Histoire, avec le lancement en 2017 d’une application pratique et intelligente, développée avec deux Fondations française et néerlandaise et dix partenaires issus de 7 pays européens
Vous avez beaucoup travaillé sur l’augmentation des visites et l’utilisation de la réalité augmentée dans le tourisme et le patrimoine. Ma question est naïve mais avec ton recul, penses-tu que cette technologie soit devenue indispensable dans ces secteurs aujourd’hui et pourquoi ?
Rien n’est indispensable et encore moins la réalité augmentée… La technologie sert d’abord un projet et pas l’inverse ! Lorsque nous avions créé les visites augmentées à Cherbourg, on s’est très vite rendu compte que sans une bonne histoire et des solutions engageantes et interactives, le public se lasse vite de la réalité augmentée. Vous pouvez toujours rechercher le fameux effet “wow” mais il faut se souvenir que la technologie évolue tellement vite que deux ans après, votre solution sera déjà dépassée par d’autres propositions. Par contre, une bonne histoire restera toujours une bonne histoire.
C’est pourquoi nous créons des produits qui montrent avec la réalité augmentée, qui informent avec des informations toujours scientifiquement vérifiées et qui divertissent les publics.
Le principal concurrent d’un musée ou d’un site patrimonial, ce n’est pas un autre musée, c’est la vie de tous les jours, ce sont les jeux vidéos, la télévision, Facebook, etc. Il faut donc comprendre comment fonctionne le monde d’aujourd’hui, notamment la fameuse génération millenium, pour pouvoir offrir des produits touristiques qui répondent à cet environnement nouveau.
Vous avez une implantation internationale et vous avez effectué une période d’accélération à New York. Est-ce que vous notez des différences d’utilisation de la réalité augmentée entre les pays ?
Nous avons remarqué qu’en France, nous avons près de trois ans d’avance dans l’utilisation de la réalité augmentée à des fins touristiques et culturelles. C’est pourquoi on travaille aujourd’hui en Belgique, au Canada, en Espagne et en Colombie.
Ce dont je me rend compte, c’est qu’on vit en France dans une sorte de bulle technologique dans le milieu du tourisme. Je ne vois pas du tout ce phénomène en Espagne ou au Canada par exemple. Pourtant, le tourisme est la première activité en Espagne et le Canada est particulièrement fort dans tout ce qui concerne la muséologie et le divertissement événementiel.
Enfin, il est vrai que Pokemon Go a mis d’un seul coup l’emphase sur la réalité augmentée et ce, au niveau mondial. Même si la technologie derrière les Pokemon Go n’est pas nouvelle, c’est une vraie réussite au niveau marketing ce qu’ils ont fait.
Si on revient sur l’entreprise, quel est votre actualité aujourd’hui ? Comment envisagez vous votre développement ?
Comme je l’ai indiqué, le studio 44 screens se concentre autour de trois offres : la visites augmentées, le tourisme outdoor et la visite des territoires par l’histoire. 2016 a été pour nous l’année de la consolidation. Nous avons renforcé nos équipes et rassemblons ainsi des développeurs, deux doctorants, des graphistes et des chargés de projets. Nous avons la chance d’avoir une équipe enthousiaste, qui n’hésite pas à se défoncer pour repousser toujours plus loin les limites des technologies tout en ayant à l’esprit l’essentiel : le projet éditorial.
Vous avez mentionné notre ouverture internationale, je pense effectivement que 44 screens est le studio français le plus ouvert à l’international dans notre domaine. Ainsi, nous travaillons avec quatre laboratoires de France, Canada et Espagne pour toujours améliorer nos technologies et l’expérience utilisateur. Cerise sur le gâteau, nous avons déposé notre premier brevet en réalité augmentée cette année.
C’est cette ouverture qui a séduit l’accélérateur d’entreprise le Digital Lab de New-York. J’espère que 2017 verra un projet se concrétiser aux USA !
Enfin, nous allons lancé en 2017 APPYMAX, qui est une application pratique et intelligence dédiée aux territoires qui souhaitent mettre en valeur leur Histoire. Les deux premières applications APPYMAX qui vont être inaugurées au printemps concernent Napoléon à Paris et en Ile de France d’une part et le Débarquement et la Libération de l’Europe, de l’Angleterre à la Pologne d’autre part.
Une question un peu plus générale pour terminer. La réalité prend pas mal de place dans le paysage médiatique depuis un an. A ton avis, est-ce une bonne chose ? Comme vois-tu son développement dans les secteurs que nous avons mentionnés plus haut (ou d’autres) ?
La réalité augmentée est vouée à connaître un fort développement les années qui viennent, bien plus que la réalité virtuelle. Ce que j’aime dans la réalité augmentée, c’est qu’on reste connecté avec notre environnement. Dans le cadre touristique, nous apportons une dimension pédagogique et féerique qui transportent les utilisateurs. Mais au delà, la réalité augmentée à un grand avenir dans la formation et les outils de maintenance et d’aide à la décision. La réalité augmentée permet de faire le lien entre la salle de classe et les interventions sur site.
Je pense enfin qu’au niveau artistique, il y a énormément de champs qui restent à explorer, mais ça, c’est une autre histoire.
Merci Lionel pour toutes ses explications et rendez-vous sur le site de 44 screens pour découvrir toutes les réalisation de l’équipe !
Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.