L’AWE2016 a eu lieu le 1er et 2 juin à Santa Clara et cette 7ème édition fut particulièrement riche. Je vous propose une vision un peu subjective des éléments qui ressortent de cet événement et peut être quelques pistes à suivre pour le futur de la réalité augmentée.
Attention, je n’étais pas sur place et je ne peux donc pas vous assurer que ce que vous allez lire dans la suite représente la réalité de l’avènement ! C’est à partir des articles de synthèses, des vidéos de l’analyse des tweets que je vous livre ma propre vision de ces deux jours. Vous trouverez d’ailleurs ici une sélection d’articles et toutes les vidéos de l’évènement sur la chaîne Youtube associée.
De manière générale, plus de 5000 visiteurs sont passés sur AWE2016 avec une tendance nette d’évolution de la population des responsables techniques vers les décideurs (C-level). Plusieurs journalistes ont également notés que cette édition se distinguait par son aspect plus professionnel et par une augmentation globale des moyens de l’organisation.
Pour synthétiser les choses, je vous propose de les regrouper en 3 parties : les tendances ressenties, les sensations un peu plus diffuses et un retour sur la listes des Auggies Awards.
Les tendances viennent des présentations sur les stands, des échanges et des conférences. Elles sont partagées par plusieurs acteurs du marché et en générale ont déjà été annoncées avant AWE :
– Le marché des entreprises est la cible de la RA en 2016 et 2017 : On le sait, c’est confirmé 🙂 Certains projets pilotes, en particulier dans l’industrie, sont en production et génèrent un ROI clair. Les contraintes sont plus simples à cadrer (mais pas toujours plus simples à résoudre) et les indicateurs de réussite plus compréhensibles. Il reste toutefois que le contenus est encore un frein car coûteux à créer ou à adapter. On risque donc de voir une grosse concurrence sur ce marché dans les 5 ans qui viennent avec une concentration des moyens et des compétences. Les nouveaux entrants et les « petits » vont devoir présenter clairement leurs différences.
– Les « CMS like tools » qui permettent aux utilisateurs de concevoir et/ou de modifier leurs outils de réalité augmentée se développent. On connaissait déjà les Wikitude Studio, Layar Creator, Aurasma mais des nouveaux entrent en scène comme BuildAR, Entiti ou sur le marché plus professionnel le Vuforia Studio Enterprise de PTC ou le Worklink de ScopeAR. L’objectif est clairement de réduire les coûts de développement et de maintenance des expériences de RA, tout en automatisant la récupération de données dans le SI des entreprises. Cette diminution des coûts sera un point important à prendre en compte pour déployer la réalité augmentée dans les plus petites entreprises. Encore une fois les plus petits acteurs du marché qui se spécialisent dans les technologies « sur mesure » vont devoir clairement afficher leurs différences car les CMS permettront de prototyper rapidement. Ensuite, le client pourrait très bien se contenter de fonctionnalités standard.
A priori, il n’est pas question de normes ou de standards dans ces outils … C’est un point à ne pas négliger pour construire un projet car nous allons très probablement passer par une phase de forte hétérogénéité.
– Les relations Hardware / Software changent. Jusqu’à maintenant, un casque ou une lunette était pilotée par son propre SDK plus ou moins connecté avec les outils de développement de RA. L’arrivée des outils cités plus haut oblige à rentrer dans la phase « tout doit être compatible avec tout ».
Aujourd’hui, ce sont les plateformes qui assurent cette compatibilité et on voit beaucoup d’accords bilatéraux. Vuzix est, il me semble, le champion de la catégorie ! Il ne faut pas être devin pour imaginer que si les plateformes et les CMS réussissent à s’imposer, et deviennent donc les intermédiaires obligés de la RA, elles pourront choisir les matériels compatibles. Deux avenirs possible : toutes les plateformes supportent tout (l’effort sera probablement demandés aux constructeurs de hardware mais tout le monde a sa chance), des écosystèmes se créent (les partenariats excluront de fait les plus faibles ou les nouveaux).
– Une paire de lunette (pour le contrôler tous …) : C’est plus une question qu’une tendance mais certains comme Atheer ou ODG pensent qu’un modèle peut servir à tous les usages à conditions que des addons soient prévus. D’autres comme ATX labs ou Daqri sont plus septiques. Ce dernier en particulier parle plutôt de conserver une expérience de RA sur plusieurs appareils en assurant des « transitions douces ».
– RA + RV + IoT + IA + Big Data : La réalité augmentée est fantastique pour visualiser les données mais elle ne fait que cela. Pour efficacement apporter de l’information aux utilisateurs et leur permettent d’agir sur le monde réel, plusieurs technologies semblent indispensables. J’ai déjà évoqué cela dans l’article sur la réalité mixte. Plusieurs projets sont en route pour travailler sur cet amalgame mais pour le moment ils restent assez secrets (non je ne vous dirais rien!). La récolte et l’interprétation des données sont en plein boom, le feedback du monde numérique vers le réel (grâce en particulier aux objets connectés) reste encore embryonnaire.
– L’UX est (enfin) au centre des préoccupations. On en parle beaucoup depuis des années mais aujourd’hui la difficulté liée, par exemple, à l’interaction gestuelle impose de reprendre tout depuis le début ! On est bien au-delà des adaptations imaginées pour le tactile.
« We won’t need to use input devices anymore. We’re transcending them. »
Meta
Comme je l’ai mentionné au début, les sensations sont plus compliquées à saisir car elles sont distillées dans les différents talks ou dans les tweets des spectateurs. Elles concernent quasi exclusivement l’aspect « usage » de la réalité augmentée. Personne, à ma connaissance, n’a lancé un débat sur l’ouverture technique des outils ou les briques libres 🙂 Voici les deux éléments principaux que j’ai remarqués.
L’utilité est encore à démontré pour le grand public : Si on considère que la démocratisation de la réalité augmentée mobile est apparue en même temps que l’Iphone, cela fait bientôt 10 ans que nous pouvant l’utiliser. Il y a peu de vrais succès pérennes (comme le catalogue IKEA ou l’application d’ ATOL ou de L’Oréal). Les dizaines de milliers d’applications de réalité augmentée n’ont pas engendrées une killer app. Le journaliste de Engadget est encore plus mordant.
« But nearly everything I tried at the Augmented World Expo felt like a half-baked demo. »
Engadget
So what ? Il semblerait que plusieurs éléments puissent faire évoluer les choses. Le principal est qu’une couche “sociale” semble en passe d’émerger dans les futurs applications de RA. Niantic par exemple mise beaucoup sur cette aspect avec son jeu Pokemon Go. Cette couche manque cruellement dans la plupart des applications aujourd’hui qui se limitent souvent à du partage sur les réseaux sociaux, comme nous le signalons déjà il y a quelques années.
La seconde sensation est que nous n’avons aucune vision des conséquences de l’utilisation de la réalité augmentée. C’est d’ailleurs le même constat dans la réalité virtuelle.
Plusieurs speakers ont exprimés cela, pour le grand public comme pour les usages en entreprise. La réalité peut même devenir subjective, ou en tout cas très personnelle, à moyen terme !
« We (and any modestly advanced civilization) will soon have the power to make simulations that are indistinguishable from everyday reality »
Avi Bar-Zeev« In 15 years, the lines between what’s real and what’s projected could become extremely difficult, particularly for those who never take off their glasses. »
Viodi.com
Cette interrogation peut paraître “philosophique” mais elle a des conséquences pratiques dans de nombreux domaines y compris industriels. Elle pose en effet la question de la confiance dans les données visualisées par la réalité augmentée et la capacité des utilisateurs à garder un regard critique. Pour explorer ce sujet je vous suggère la lecture de cet article lié au FIC 2016.
Dernier point important du l’AWE2016, les Auggie Awards qui récompensent les meilleurs propositions (produits et services) sur le salon. Voici la liste des gagnants, vous pouvez trouver plus de détails sur chacun en allant sur la page dédiée :
- Best Headset or Smart Glasses : Epson Moverio BT-300
- Best Hardware : Richoh Theta S by Ricoh
- Best App sponsored : BeoHome Design by ViewAR
- Best Campaign : Dutch Lady Flying Farm by AR&Co
- Best Enterprise Solution : Atheer AiR Platform by Atheer
- Best Tool : Vuforia by PTC
- Best Game or Toy : Air Hogs Connect Mission Drone by Spin Master Studios
- Best Art or Film : Refugees by Scopic
- Best in Show – Augmented Reality : Osterhout Design Group
- Best in Show – Virtual Reality : Subpac featuring THE WAVE VR
- Best in Show – Wearable Technology : UNICEF « Wearables for Good »
- Virtual World Society’s Nextant Award : VR pioneer and inventor Randy Pausch, PhD
On remarque déjà que les catégories “Hardware” et “Art or Film” ne récompensent pas des productions du domaine de la RA mais plutôt de celui de la prise de vue 360°. Est-ce un signe d’évolution ou juste le constat que la RA ne peut rien faire dans ces secteurs ? Pour les autres awards, on peut y voir des confirmations de technologies déjà connues. Nous avons perçu dans la précédente édition de AWE en 2015 des signes de maturité, peut-être 2016 est-elle l’année de la confirmation ?
Je terminerai cette petite synthèse par un point spécial sur PTC et l’évolution de Vuforia. En effet la communication de l’entreprise a été massive durant l’évènement comme vous pouvez le voir ce le graphe de gauche.
Durant son intervention Jay Wright (SVP, PTC Vuforia) a particulièrement insisté sur l’importance de la communauté pour le développement de Vuforia. C’est une manière de rassurer l’ensemble des développeurs sur la disponibilité de l’outil qui devrait rester effective dans les mois (années?) à venir. Il a également annoncé une intégration plus importante de Vuforia dans l’ensemble des outils de PTC et en particulier dans le système intégré Vuforia Studio Enterprise. L’impact de cette suite risque d’être assez importante dans le monde industriel, du fait de sa simplicité et des moyens mis en oeuvre par PTC pour l’améliorer et la promouvoir. On peut légitimement se demander si Vuforia pourra dans le futur être aussi efficace isolement. Si vous portez des expériences ou des projets avec cet outil, posez-vous la question.
The last point ! J’ai particulièrement aimé le masque d’urgence proposé par ODG. Il permettra aux équipes en intervention de mieux se coordonner et de trouver plus facilement les victimes sur le terrain.
Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.