Meta Connect 2024 : Présentation des lunettes Orion

Mark Zuckerberg dévoille les lunettes « Orion »sur la Meta Connect 2024

Si vous travaillez dans le domaine de la réalité augmentée, ou si vous êtes passionnés par ce domaine, vous attendez comme nous le Graal : une paire de lunettes (vraiment des lunettes) de réalité augmentée (vraiment de la RA) qui soit à la fois abordable et utilisable toute la journée. On attendait la présentation d’un appareil de ce type lors de la Meta Connect 2024 du 25 septembre et, pour être franc, nous ne sommes pas déçus par les promesses du modèle « Orion » ! Nous n’avons pas vraiment l’habitude ici de commenter l’actualité « à chaud » car, comme dans bien des secteurs technologiques, on surestime toujours la vitesse de diffusion des nouveautés. Nous allons faire une exception pour les lunettes « Orion » car nous connaissions la stratégie de Meta depuis assez longtemps dans ce domaine et ce modèle en est une étape.

Pour commencer, nous vous invitons à relire l’article concernant la Meta Connect 2023, qui présente tous les éléments pour comprendre la stratégie de Meta dans le secteur de la RA. Comme nous le répétons souvent, les lunettes « Ray-Ban Meta smart glasses » sont un pivot dans l’hybridation RA / IA et nous pouvons maintenant affirmer que ce modèle a connu un beau succès. Cela conduit Meta à annoncer à la fois de nouvelles fonctionnalités pour ce matériel et une extension de partenariat avec EssilorLuxottica pour développer jusqu’en 2023 des nouveaux modèles de lunettes « intelligentes » avec l’objectif de briser les freins à l’adoption. Nous lançons les paris au sein de RA’pro sur la prochaine marque du groupe à lancer son modèle (personnellement, je parie sur Oakley).

Les caractéristiques techniques des lunettes

Comme le précise Mark Zuckerberg dans sa présentation, « The technical challenges to make them are insane » et Orion a nécessité près d’une décennie de développement. Pour obtenir un objet qui rassemble à des lunettes, beaucoup de choses ont dû être inventées ou réinventées comme :

  • Des verres en fabriqués en carbure de silicium, un matériau léger avec un indice de réfraction élevé, crucial pour offrir un large champ de vision (annoncé à 70°) et produisant peu d’artefacts optiques indésirables ou de lumière parasite.
  • Une architecture d’affichage innovante basée sur des projecteurs miniatures intégrés dans la monture et des guides d’ondes avec des structures 3D nano-imprimées dans les verres.
  • Un cadre en magnésium, choisi pour sa capacité à dissiper la chaleur efficacement et, évidement, de manière passive. Il est impossible de mettre des ventilateurs dans l’appariel.
  • Une stratégie globale de réduction de chaleur et limitation de consommation d’énergie avec composants personnalisés comme des micro-LED et des puces dédiées.
  • Une miniaturisation extrême des composants avec, par exemple, sept caméras et capteurs intégrés de manière discrète dans la monture et une précision d’alignement optique de l’ordre d’un dixième de la largeur d’un cheveu humain. L’ensemble des lunettes a un poids inférieur à 100 grammes.
  • Un triple système d’interaction : Suivi des mains, suivi du regard et un bracelet EMG (électromyographie) pour capter les petits gestes. Tout cela avec une consommation de l’ordre du milliwatt. On peut ajouter le contrôle vocal couplé à l’IA
  • L’IA de Meta est embarquée dans les lunettes à la manière des modèles Ray-Ban pour faciliter les interactions et, comme nous l’avons souligné dans un article précédent, pour donner une réelle utilité à ces objets.

À tout cela, il faut encore ajouter l’intégration et la partie logicielle. Malgré toutes ces contraintes, nous pouvons constater que les lunettes existent et qu’elles fonctionnent.

Les contraintes pour en faire un produit « grand public »

Elles existent, mais elles ne sont pas encore disponibles pour le grand public et il est même probable qu’elles restent dans cet état de « devkit » pour au moins 3 ans. Cela rappelle un peu le statut des Spectacles de Snap qui sont réservées à un public de professionnels et de créatifs. Dans le cas d’Orion, le matériel sera produit à environ 1000 exemplaires et sera distribué aux partenaires de Meta pour à la fois régler les problèmes techniques et imaginer les usages.

Les lunettes seront « motorisées » par un pack autonome et utiliseront un bracelet pour l’interaction (source : Meta)

Coté technique, il faut maintenant pour l’entreprise trouver les bonnes méthodes de fabrication. La production des verres en carbure de silicium est particulièrement coûteuse et complexe, avec un rendement assez faible (beaucoup de rebus) ce qui entraîne un coût de fabrication estimé à approximativement 10 000 dollars par unité. Cette technologie, initialement prévue pour devenir plus abordable, reste difficile à industrialiser à grande échelle. De plus, la forte miniaturisation des composants, qui doivent s’intégrer dans une monture légère et confortable, nécessite des innovations technologiques multiples, ce qui rend la production en série encore difficile à maîtriser. Mark Zuckerberg explique également dans sa présentation que Meta travaille encore à améliorer la qualité de l’affichage (plus lumineux, plus haute résolution), ainsi qu’à réduire la taille des lunettes pour les rendre plus confortables. Ces optimisations sont cruciales pour une adoption massive, mais n’ont pas encore été complètement résolues. La batterie des lunettes, limitée à environ deux heures d’autonomie, est un frein majeur pour leur utilisation quotidienne prolongée, ce qui nécessite encore des avancées dans l’efficacité énergétique.

Dernier point important, Les lunettes Orion nécessitent l’utilisation de plusieurs dispositifs externes pour fonctionner pleinement, dont un bracelet neural (pour les commandes gestuelles) et un pack sans fil pour le calcul. Ces dépendances complexifient l’utilisation du produit et pourraient être des obstacles à une adoption grand public. Gageons que de nombreux tests vont être effectués pour valider l’utilité de ces accessoires et que, dans tous les cas, le futur modèle « public » des « Orion » ne sera pas tout à fait semblable à celui qui vient d’être présenté.

Un exemple d’utilisation des lunettes Orion en mode réalité augmentée

Et maintenant ?

Comme nous l’avons dit, rien de nouveau dans la stratégie à long terme de Meta et vous pouvez relire la conclusion de l’article sur la Meta Connect 2023 en ajoutant le succès des modèles Ray-ban !

Comme Antony Vitillo le synthétise parfaitement (parce que cet homme est parfait !) : « Zuck defined smart glasses as “a new AI device category” and I totally agree with him: these fashionable sunglasses may be the trojan horse through which we start accessing the support of AI assistants in our everyday life.« 

Meta adopte donc une stratégie progressive pour rendre ses lunettes Orion accessibles au grand public, en optimisant la technologie, réduisant les coûts et améliorant le design pour un produit plus portable et abordable. L’entreprise se concentre sur la miniaturisation, le confort, et le développement d’interactions naturelles grâce à l’IA, tout en cherchant à démontrer des cas d’usage concrets comme les « assistants hologrammes », l’augmentation du quotidien et la communication sans smartphone. Des produits intermédiaires, comme les Ray-Ban Meta et Hypernova (une paire de lunettes avec écran et bracelet de contrôle), sont ou seront lancés pour préparer les consommateurs à cette nouvelle technologie. Gardons à l’esprit que Meta vise à long terme à faire des lunettes AR un produit de remplacement des smartphones.

Coté marché, cette présentation est également intéressante, car, comme celle d’Apple et du Vision Pro, elle montre que le domaine est considéré comme important par les géants du numérique. Meta démontre de plus que cette forme de lunettes n’est pas un fantasme, mais bien un objet technologique réel. Pour y arriver, il faut investir beaucoup, beaucoup d’argent car les défis sont dans l’optique, la physique, l’électronique, la chimie, des sciences qui ne sont pas « scalables » au sens ou investir 10 fois plus ne vous fait pas obligatoirement aller 10 fois plus vite. Une réalité que les investisseurs du numérique ont eu un peu tendance à oublier ces dernières années. Certains ont illustré cette demande de ressources en comparant les Orion aux dernières Spectacles 5 de Snap, elles ne jouent clairement pas dans la même catégorie.

Orion pourrait bien être un catalyseur pour redonner confiance aux investisseurs dans le secteur de la RA (et de la XR) en rassurant sur la possibilité de fabriquer ses lunettes et en apportant petit à petit des usages qui vont reporter lentement l’attention (et la valeur percue) des utilisateurs du smartphone aux smart glasses.

Quelques sources intéressantes

Consultant réalité augmentée à GMC | Site Web | Plus de publications

Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.

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