C’est assez inhabituelle de réagir à chaud sur ce site, mais parfois il faut sortir de sa zone de confort pour poser quelques bases et ainsi favoriser les discussions. La Meta Connect 2023 a eut lieu le 27 septembre dernier et Mark Zuckerberg nous a annoncé plusieurs nouveautés qui, soyons honnêtes, étaient attendues. La présentation s’est beaucoup focalisée sur l’IA et son intégration dans les applications de Meta. Nous avons vu fleurir quelques interprétations plus ou moins inspirées sur la mort du Metaverse. Numerama en particulier qui réussi l’exploit en un seul article de ne pas comprendre le fonctionnement en salle de Horizon Worlds et de passer à côté de la vision du Metaverse de Mark Zuckerberg 🙂
Reprenons les bases (rapidement) et explorons les conséquences des annonces pour le domaine de la réalité augmentée (oui, si vous le voulez, vous pouvez parler de réalité mixte, c’est un contresens, mais on a l’habitude).
Sans reprendre toutes les discussions que nous avons menées ici sur le Metaverse, rappelons simplement que Meta construit sa stratégie dans les technologies immersives depuis plus de 10 ans. Le rachat de Oculus en 2014 est une sorte de point de départ « public ». Le changement de nom du groupe en 2021 est dans la continuité de cette vision de Mark Zuckerberg. Il ne s’agit pas de créer un nouvel outil à la « Ready Player On » pour lui mais bien de renforcer la position du groupe comme « catalyseur de liens sociaux » : « A Social Technology Company ». Et de préciser que cela ne se limite pas à la construction d’un monde virtuel comme Horizon Worlds mais bien d’une hybridation des expériences, entre monde réel et monde numérique. Pour cela, il faut une infrastructure, du matériel, des logiciels, des créateurs de contenus, un modèle économique et des utilisateurs. Meta veut apporter toutes ces briques et, si possible, en garder le contrôle. Vous connaissez le concept de « Walled Garden » pour les réseaux sociaux, c’est pareil 🙂
Dans ce contexte, et puisqu’il est assez compliqué de convaincre aujourd’hui les utilisateurs de vivre de longues expériences dans un monde totalement virtuel, il convient de leur apporter des éléments « virtuels » dans leur vie quotidienne, dans le monde réel. Vous l’avez compris, on parle bien de réalité augmentée et les deux produits présentés, le casque Quest 3 et les lunettes Ray-Ban 2 sont proposés dans ce but. Les outils provenant de l’IA sont eux destinés à faciliter à la fois la création de contenus et le voyage de l’utilisateur.
Le Quest 3 comme casque de RA
La présentation du casque a clairement fait la part belle à la RA. Vous trouverez les caractéristiques techniques du casque dans de nombreux articles, mais notons que la résolution et le temps de latence ont été fortement améliorés. La nouvelle génération de puces Qualcomm (ici la XR2 Gen 2) offre des capacités vraiment impressionnantes ! On attend avec impatience. Il y a peu de tests actuellement sur cette capacité spécifique, mais plusieurs soulignent l’excellente qualité du rendu, allant même jusqu’à la possibilité de lire sur son smartphone ou la montre. La capacité présentée de capture de l’environnement est également intéressante pour pleinement profiter de l’espace réel et offrir de vraies expériences de RA.
Comme John Carmack, on peut être sceptique sur la capacité de la réalité augmentée à devenir le pilier de développement des casques individuels. Cependant, nous devons reconnaître à Meta une stratégie cohérente dans ce sens.
Les lunettes Ray-Ban 2
Et donc pour être complètement cohérent avec la vision de Mark Zuckerberg sur un monde hybride, à la fois ancré dans le réel, mais augmentée par toutes les informations numériques dont vous avez besoin, il est nécessaire d’aller au-delà du casque. L’interface doit être simple, légère, facilement utilisable. Quoi de mieux qu’une paire de lunettes boostée à l’IA ! C’est là qu’intervient le second produit présenté lors de la conférence, les « Ray-Ban Meta smart glasses » qu’on appellera dans la suite les RBM!
Encore une fois, les caractéristiques des RBM ne sont pas exceptionnelles même si l’utilisation du nouveau Qualcomm Snapdragon AR1 Gen 1 repousse quelques limites en termes de traitement de données. Les lunettes n’ont pas d’écran d’affichage, ce qui les place à un niveau assez bas de réalité augmentée.
Mais l’essentiel n’est pas là. Les RBM intègrent les technologies d’IA de Meta avec la fonction centrale d’assister le porteur dans ses actions quotidiennes. Elles seront bientôt capables de reconnaitre l’environnement et le contexte pour apporter précisément la bonne information au bon moment. C’est là une des caractéristiques centrales de la réalité augmentée. Les usages les plus simples seront probablement la traduction ou le guidage, mais beaucoup d’utilisations sont imaginables, y compris dans le domaine professionnel.
Cette proposition lunettes + IA semble un pas décisif sur le chemin vers de véritables lunettes de réalité augmentée. Leur simplicité et les bénéfices potentiels dans de nombreuses utilisations quotidiennes peuvent en faire l’étendard de l’adoption de la RA dans la vie quotidienne, à côté des filtres que nous utilisons sur les différents réseaux.
Before this last year’s AI breakthroughs, I kind of thought that smart glasses were only really only going to become ubiquitous once we dialed in the holograms and the displays and all that stuff, which we’re making progress on, but is somewhat longer. But now, I think that the AI part of this is going to be just as important in smart glasses being widely adopted as any of the other augmented reality features.
Mark Zuckerberg – Meta Connect 2023
So what?
Il est difficile de dire si les RBM seront des succès commerciaux, car elles ouvrent la voie à une nouvelle classe d’assistants personnels mobiles, proche de l’utilisateur et sans friction d’utilisation. Il est fortement probable que tous les fabricants de lunettes « smart » nous proposent rapidement leur propre version d’IA embarquée. Les rumeurs autour d’une proposition de « matériel » de OpenAI semblent montrés que les entreprises du domaine sont arrivées à la même conclusion et veulent avoir leur part du gâteau. Le futur “iPhone of artificial intelligence” sera peut-être une paire de lunettes !
Si vous êtes un professionnel de la réalité augmentée, je ne pense pas utile de vous conseiller d’intégrer de l’IA dans vos produits. Mais ne vous arrêtez pas aux modèles génératifs, c’est bien le deep learning qui va faire la différence dans les années qui viennent en facilitant la compréhension de l’environnement de l’utilisateur.
Encore une fois, Meta pose les pierres de sa stratégie de captation de valeur. Ce serait bien naïf de penser que leur vision du Metaverse est mort, juste parce que Horizon Worlds n’a que peu d’utilisateurs 🙂
Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.
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