Le groupe Telefónica a publié un article intéressant sur les évolutions possibles de la XR en 2025 suite aux annonces survenues au CES et au MWC. L’auteur revient sur l’importance de l’IA et sur le repositionnement des écosystèmes lié à l’arrivée d’Android XR. Il nous semble que l’occasion est parfaite pour évaluer l’impact sur le secteur de la RA à partir de la même grille de lecteur. Explorons donc les 5 points mis en avant par Telefónica
Transition globale vers la réalité mixte (RM)
Il ne vous a pas échappé que la plupart des casques de réalité virtuelle (RV) ont évolué vers la RM au cours des dernières années. Même les équipements qu’on pourrait croire dédiés aux jeux immersifs comme le Somnium VR1 ou le Valve Index offrent cette possibilité. Il ne reste presque que le PSVR 2 pour rester 100% concentré sur la réalité virtuelle.
L’intérêt de cette hybridation est évidement d’offrir plus de possibilité aux casques, avec des expériences moins isolantes, qui s’étendent au-delà du jeu pour inclure la productivité, la visualisation de contenus et les expériences sociales. Au moment où les lunettes se développent, les casques offrent encore des caractéristiques intéressantes comme le grand champs de vision. S’il fallait encore une preuve de l’intérêt de cette possibilité pour les casques, il suffit de constater le soulagement de la communauté après l’annonce de l’ouverture de l’accès aux flux caméra du Quest 3 par Meta.
Comme vous le voyez, en pratique, il s’agit de faire de la RA avec des casques. Si vous vous posez encore des questions sur les notions de RA et de RM, je vous conseille cet article. Cela ne peut que remettre cette technologie au cœur des préoccupations actuelles et renforcer l’écosystème. Avec en plus la fin des Hololens et le peu de solutions de remplacement avec les mêmes fonctionnalités, les opportunités sont multiples.
Concurrence entre écosystèmes : Meta Horizon OS, Android XR et visionOS

L’entrée dans le jeu de Google avec Android XR, en partenariat avec Qualcomm et Samsung, vise à unifier un marché fragmenté. Le projet Moohan, similaire au Vision Pro d’Apple, intégrera Gemini, le modèle d’IA de Google, pour créer un écosystème « ouvert » et surtout multimodal / multimatériels. Cette initiative cherche évidement à concurrencer Meta Horizon OS, dominant dans le matériel et le gaming, et Apple visionOS, qui se concentre sur une expérience utilisateur premium. On s’oriente donc vers le Metarchipel décrit dans mon article de 2021 et détaillé ensuite dans celui-ci.
Une clarification des écosystèmes va très certainement faciliter des applications de RA. Android XR en particulier devrait permettre de résoudre certains problèmes d’incompatibilité matérielle, en tout cas de la même manière qu’Android aide à développer sur une large gamme de smartphone. Les développeurs et développeuses qui lisent ces lignes peuvent faire couler une petite larme, je comprendrais 🙂
Encore avec Android XR, on peut s’attendre à une uniformisation des UX pour les expériences de RA qui vont aider les utilisateurs à prendre de « bons » réflexes. C’est un point important pour la démocratisation des usages vers le grand public, qui entraine une familiarité avec les appareils, qui entraine elle-même plus de simplicité à l’utilisation professionnelle.
L’intelligence artificielle comme pilier central
Nous avons évoqué intégration de Gemini en tant qu’assistant dans Android XR. Il est probablement que les assistants IA de Meta soient rapidement disponibles dans Horizon OS et qu’Apple propose les mêmes possibilités pour son visionOS. Les assistants se ce type, capables de traduire des langues ou de générer des rappels visuels, interagissent avec ce que l’utilisateur voit, et font de l’IA un élément clé pour des cas d’utilisation intuitifs au quotidien.
Ce n’est pas un hasard si on parle beaucoup de l’intégration de l’IA dans les lunettes de RA qui arrivent sur le marché. Elle ajoute des fonctionnalités que les lunettes seules ne savent pas proposer sauf pour des usages précis comme l’affichage de données dans un contexte sportif. La RA sonore pourrait devenir la tendance des prochaines années !
Lunettes intelligentes avec affichage tête haute

Comme vous le voyez, nous sommes prudents et évitons de parler de lunettes de RA. Mais il est évidement impossible de passer à côté de cette tendance. Le succès des lunettes Ray-Ban Meta suggère une évolution vers des dispositifs intégrant des éléments « visuels »d’augmentation ». Des entreprises comme Even Realities et Brilliant Labs proposent des lunettes avec HUD dans des designs légers et discrets. Le denier CES vous donne l’embarras du choix !
Nous avons évoqué l’importance de l’IA pour le développement de ce type de matériel, mais ce n’est pas suffisant. Les utilisateurs recherchent des dispositifs portables et esthétiquement agréables qui s’intègrent facilement dans leur vie quotidienne. Quoi de mieux que des lunettes ? Une partie de l’humanité en porte et nous sommes habitués à en voir partout : pas de surprise, pas de stigmatisation sociale. L’essence de la RA (visuelle) étant de proposer des éléments numériques dans le champ de vision de l’utilisateur, les lunettes se trouvent à l’endroit parfait pour cette mission.
Réalité augmentée spatiale : la nouvelle frontière
Même si le terme de « réalité augmentée spatiale » ne veux pas dire grand-chose (…) on comprend dans la description de l’auteur qu’il veut évoquer l’étape d’après les lunettes « HUD », le moment où l’espace autour de nous va devenir réellement actif. Et la course a déjà commencé avec des prototypes comme Meta Orion ou les Snap Spectacles 5.


Ces véritables lunettes de RA vont permettre, en concernant les proportions de lunettes, de transformer notre environnement. On peut déjà imaginer le résultat en regardant les expériences sur Vision Pro ou Quest 3.
Les premiers usages restent assez simples, mais vous pouvez déjà utiliser des moniteurs virtuels de la taille qui vous convient. L’interaction évolue également puisque le prototype Orion est construit avec un bracelet qui capte les micromouvements et disposera d’un système de suivi oculaire. L’objectif est d’éviter tout système de commande intermédiaire, comme des manettes, et de ne plus interagir qu’avec des gestes naturelles et la voix. Des systèmes encore plus ambitieux de BCI (Brain–computer interface ou interface cerveau-machine) pourront compléter le dispositif.
Services et contenus : à la recherche des cas d’utilisation
Évidement toutes ces innovations n’ont d’intérêt que si elles sont utilisées par le public et donc si un véritable marché se crée. Il ne faut pas se voiler la face, au moment où l’inflation est dans toutes les têtes, où la durabilité nous oblige à penser aux ressources nécessaires pour fabriquer de nouveaux outils, les bénéfices de ces usages doivent être compréhensibles et rapidement amortis. Les usages vus au CES pour les lunettes ne sont de ce point de vue pas très convaincants.

Les créateurs de contenus se concentrent aujourd’hui sur trois grandes catégories : le divertissement, l’éducation et la culture, le commerce. Le marché de la XR se développe régulièrement. Ce n’est pas une explosion, mais le rythme est constant, de même que la vente d’appareils dédiés, lunettes ou casques. On reste un peu dans le dilemme de la poule et de l’œuf : si le public n’a pas de matériel, il n’y a pas de création rentable de contenu, mais sans contenu intéressant, personne d’investir dans de matériel. Meta avec ses casques Quest et ses lunettes Ray Ban semblent avoir dépassé ce stade (au prix d’investissement qu’on estime à plus de 100 milliards de dollars quand même). La question actuelle est de savoir si cela va entrainer tout le secteur et encourager la production de contenu. On peut avoir la même réflexion avec Google, qui a certes investi moins, mais qui promet qu’Android XR va faciliter le déploiement du contenu XR.
Tous les éléments sont en place, l’année 2025 va certainement nous apporter la réponse à cette question.
Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.