Y a-t-il une vie aprés Hololens 2 ou comment préparer sereinement la suite

La nouvelle est tombée en septembre, Microsoft a décidé de mettre fin à sa gamme Hololens. Le 31 décembre 2027, le support et les mises à jour logiciels seront terminés. D’ici là, on peut imaginer que les fonctionnalités seront figées et que la préoccupation des utilisateurs sera de trouver comme remplacer ce matériel sans repartir de zéro.

Nous vous proposons quelques pistes dans cet article, d’un simple “plan B” à une remise en question plus poussée de votre stratégie XR.

Un petit rappel sur la gamme Hololens

Pour la petite histoire, HoloLens 1 a été annoncée en janvier 2015 et commercialisée en mars 2016. C’était le premier casque de réalité augmentée de Microsoft (appelé “réalité mixte” (RM) par l’entreprise dans le but de se différencier des Google Glass lancé en 2013). Si les premières annonces ne sont pas vraiment claires sur le public cible, très rapidement ce sont les usages professionnels qui sont mis en avant et qui vont constituer la part importante du marché et stimuler les développements d’applications. HoloLens 2 a été annoncée en février 2019 et lancée à 3 500 dollars plus tard la même année. Cette version améliorée a mis l’accent sur l’ergonomie, le confort et une meilleure interaction utilisateur grâce à une technologie de suivi des mains plus avancée. En plus d’améliorations techniques, HoloLens 2 a marqué une évolution dans la stratégie de Microsoft, en se focalisant davantage sur les partenariats avec les grandes entreprises pour l’intégration de la RM dans des contextes industriels et de formation. L’entreprise a également cherché à construire un écosystème de services basé sur Azure pour la gestion des données, le calcul distribué et les applications de collaboration à distance.

Hololens 2 de Microsoft

Côté vente, il est difficile d’avoir des chiffres mais IDC annonçait en 2022 qu’environ 300 000 casques avaient été acquis. C’est un chiffre important dans le domaine particulier de la XR d’entreprise et en regard du prix, mais évidemment très faible par rapport à des marchés plus grand public. 

Une occasion de faire un point d’étape

La fin des Hololens n’est pas de notre fait, mais nous pouvons considérer que c’est une excellente occasion de faire une évaluation approfondie des usages actuels dans l’entreprise. Cette démarche permet non seulement de comprendre comment la technologie est utilisée aujourd’hui, mais aussi d’identifier les lacunes et les nouvelles attentes des utilisateurs. Une évaluation bien structurée sert à anticiper les besoins futurs et à optimiser la transition vers un nouveau matériel, une nouvelle technologie, voire une nouvelle façon de résoudre les problèmes !

Donc avant de considérer “l’après HoloLens”, il serait intéressant de  : 

  • Cartographier les usages : quels métiers, quelles tâches spécifiques, quels usagers, installation pilote, semi-production, production, etc.  
  • Estimer les performances concrètes, les ROI attendus : Quelles mesures d’efficacité, quels bénéfices, quels retours des utilisateurs, etc.
  • Évaluer les limites : quelles fonctionnalités insatisfaisantes, quels problèmes récurrents, Quelles solutions jamais mises en place, quelles fonctions inutiles, etc.
Le projet Archeovision du CNRS utilise des Hololens 2

Même si toutes ces questions peuvent vous paraître évidentes, le diable est souvent dans les détails (ou dans les témoignages non pris en compte). L’idée de cette étape est de préparer les contours d’un nouveau projet, en continuité avec celui en place, mais également mieux aligné avec les besoins actuels de l’entreprise. S’il est assez facile de se concentrer sur les besoins, il est tout aussi important de ne pas ignorer les choses inutiles. Pour faire simple, “tailler dans le gras” est une manière intelligente d’optimiser le ROI, et c’est le bon moment !

Ne rien changer ou presque

Quand on parle des Hololens, on les compare fréquemment avec les Magic Leap 2 qui ont des caractéristiques assez similaires. Si vous avez constaté que les élements techniques des lunettes de Microsoft sont importantes dans vos usages (en particulier la possibilité de faire de la “vraie” Réalité Augmentée (RA) en vue directe), il est intéressant de poser sur le papier la liste de ces spécifications “importantes” de HoloLens, basées sur votre expérience et vos usages. Il y a des produits disponibles sur le marché et d’autre à venir dans les 3 ans, mais il est crucial de comprendre ce qui est indispensable dans ces produits pour votre entreprise. Ces bases posées, on peut ensuite regarder de façon plus claire l’état de l’art.

Parmi les choix possibles, nous l’avons vu,  une migration vers Magic Leap est une solution envisageable. 

Les lunettes Magic Leap 2

Évidemment, les caractéristiques des deux modèles ne sont pas strictement identiques. Plusieurs points sont à valider comme la limitation du champ de vision périphérique, l’impossibilité de relever le bloc optique ou la présence du module externe. Côté logiciel, les différences sont aussi à prendre en compte. Magic Leap propose des procédures pour faciliter le portage des applications, mais d’autres éléments sont importants. En particulier si vous avez développé des applications très intégrées dans l’environnement Microsoft, comme Azure ou les outils de la suite Dynamics 365, il est important de bien valider la possibilité de retrouver toutes les fonctionnalités. 

Enfin, et c’est peut-être le plus important, la stratégie de développement de Magic Leap ces deux dernières années est loin d’être un long fleuve tranquille. Les déclarations de Ross Rosenberg (CEO) en janvier 2024 étaient plutôt rassurantes. Il annonçait en particulier une “3ème phase” de l’entreprise, tournée vers l’industrie et une stabilisation des marchés pour favoriser le développement d’un écosystème.

“Chapter three is about commercial adoption of that technology, which goes to customer use cases. It goes to applications. It goes to content and all the things we can help the industry coalesce around an ecosystem.”

Quelques mois après, l’entreprise publiait un communiqué indiquant un rapprochement avec Google, sans donner beaucoup de détails concrets sur les modalités de cette collaboration. En juillet enfin, plusieurs sources mentionnaient des licenciements dans la partie hardware de l’entreprise. En termes de stabilité, on a connu plus rassurant. 

Changer de type de produits pour s’adapter aux besoins constatés

Puisque vous avez pris le temps de faire un point d’étape, vous avez peut-être constaté des écarts entre la vision initiale du projet et les utilisations pratiques sur le terrain. Il est possible que des caractéristiques importantes des Hololens ne soient tout simplement pas si utiles que vous l’aviez imaginé.

Les lunettes plus simples

Il existe aujourd’hui de nombreux modèles de lunettes qui facilitent l’accès à des informations distantes. Si les Hololens et les Magic Leap permettent véritablement de faire de la réalité augmentée, la grande majorité des matériels sont plutôt des écrans de type HUD, placés de manière intelligente dans votre champ de vision. 

Pour certains usages, par exemple l’assistance à distance, de nombreuses solutions sont disponibles. Les lunettes de type RealWear Navigator ou Vuzix M400/500 ont démontré leur utilité. Pour d’autres usages, il sera nécessaire de rentrer plus en avant dans les fonctionnalités pour savoir si une migration de ce type est envisageable. 

Dans tous les cas, il faut garder à l’esprit quelques contraintes spécifiques. En premier lieu, nous l’avons dit, la capacité de faire véritablement de la RA est limitée. Le champ de vision de ce type de lunettes est de l’ordre de 20° (contre 50° pour les Hololens) ce qui réduit considérablement l’immersion. Dans le cas où le matériel est plutôt un écran déporté, impossible évidemment de mélanger espace réel et données numériques. La possibilité de travailler réellement sur des modèles 3D dans un environnement 3D peut devenir difficile. Côté avantage, on peut souligner que ces lunettes sont plus légères, moins encombrantes et ont une autonomie plus importante qui rend possible une utilisation sur une journée de travail complète.

Vous l’avez compris, au-delà d’une adaptation du logiciel, c’est une revue complète des fonctionnalités qu’il faut anticiper et l’adaptation des processus métier. En parallèle, la formation des opérateurs et opératrices sera une composante majeure de la migration.

Les casques de réalité mixte

Dans l’univers des lunettes et des casques, une nouvelle catégorie est apparue il y a quelques années: les casques de réalité virtuelle avec une capacité de faire de la réalité augmentée à l’aide des caméras, appelés casques de réalité mixte.

Le prochain casque de réalité mixte annoncé par Sony au CES 2024

Ces produits permettent en effet de voir la réalité via des lentilles transparentes comme HoloLens, mais à travers le flux vidéo projeté par les caméras (comme un téléphone portable).

Ces casques offrent la possibilité de développer des solutions de réalité augmentée (passthrough augmented reality). Ils sont généralement plus abordables (comme les casques Meta Quest, Pico, HTC) et le marché offre désormais une gamme de produits qui permettent de répondre à un grand nombre de besoins (comme des produits très spécifiés et haut de gamme de Varjo).

Passer à ce type de matériel peut être une option intéressante car outre le prix attractif, la versatilité de l’usage (AR et VR) peut s’avérer intéressante et la gestion du parc optimisée. Ces casques offrent de plus une résolution élevée et un large champ de vision, souvent supérieur à 90 degrés (comme pour le Lynx R1) assurant une meilleure immersion. Ils disposent également de technologies avancées de suivi des mains et des yeux pour certains. Cela permet des interactions plus naturelles, cruciales pour les environnements industriels, médicaux ou éducatifs où les utilisateurs ont besoin de mains libres.

Le Lynx R1

Tout n’est évidemment pas rose avec les casques de MR et ils ne peuvent répondre à tous les besoins. La solution repose sur des caméras qui fournissent le flux vidéo; si les caméras tombent en panne (risque limité) ou si l’appareil n’a pas été rechargé correctement (plus courant), l’usager se retrouve dans le noir total de façon inattendue et sa sécurité peut être mise à risque. Cet élement a été souvent mise en avant dans les applications médicales même si aujourd’hui, on prouve par exemple des cas d’utilisation comme celui du Lynx R1 en chirurgie l’hôpital Bichat de Paris. Notez dans ce cas précis que le Lynx R1 à la capacité de relever le bloc optique d’un simple geste comme les Hololens 2.

Si on se place maintenant sur le plan des logiciels, il existe plusieurs méthodes de portage puisque le MRTK (Mixed Reality ToolKit) de Microsoft est compatible avec les casques Quest. Microsoft abandonnant son propre système « Windows Mixed Reality » (WMR) on peut supporter que les logiciels de l’entreprise vont rapidement être disponibles plus facilement sur d’autres matériels. Il ne faut cependant pas négliger les besoins d’adaptation qui vont survenir. 

Bref, l’élaboration du contenu peut être plus coûteuse, mais là encore tout se rapporte à l’usage et aux objectifs; pas la peine de rentrer dans des développements complexes si ce n’est pas nécessaire, et rationaliser ces besoins juste pour réaliser ses objectifs est souvent la meilleure option en RA et RV. L’effet “wahou” en lui-même, déconnecté du projet, est généralement coûteux et peu rentable. 

D’autres solutions envisageables ? 

Nous nous sommes concentrés dans les paragraphes précédents sur le remplacement d’un matériel par un autre. Mais peut-être que votre évaluation approfondie des usages a montré que le port de lunettes ou d’un casque n’est pas vraiment nécessaire ou même que cela apporte plus de problèmes que de solutions. Peut-on envisager d’autres pistes ?

Une carte augmentée du National Maritime Museum d’Amsterdam

On va laisser de côté les technologies qui sont encore en développement comme les interfaces neurales, les lunettes “Orion” de Meta, les lentilles de RA ou même les hologrammes faciles à mettre en place. Tout cela est très prometteur, mais nous en reparlerons dans 5 ou 10 ans 🙂 Nous allons aussi passer sur l’utilisation d’un simple smartphone ou d’une tablette. C’est connu depuis longtemps et parfois, c’est largement suffisant !

Concentrons-nous un instant sur l’ “objet augmenté”. Un Hololens 2 augmente la personne qui le porte, comme l’ensemble de solutions alternatives précédentes. Mais pourquoi ne pas augmenter le lieu où se place l’utilisateur, ou la machine qu’il utilise ? L’augmentation de l’environnement est une approche qui transforme directement l’espace physique pour l’adapter au besoin de l’utilisateur. On parle de Réalité Augmentée Spatiale ou de Réalité Augmentée Projetée. Si vous avez un poste fixe (une carte dans un musée, un poste d’assemblage, une zone de loisir, etc.) cette solution peut vous convenir. Elle a l’avantage d’être naturellement collaborative et toujours parfaitement adaptée à l’endroit en question).

Le développement des bâtiments connectés à ouvert de nouvelles perspectives pour l’essor de la réalité augmentée projetée dans le secteur de la construction et de l’architecture. Ces bâtiments, équipés de capteurs, d’appareils IoT (Internet des Objets) et de systèmes de projection connectés peuvent facilement transformer des environnements ordinaires en espaces interactifs et immersifs. Une piste à envisager dans votre prochaine construction ?

Exemple de réalité augmentée projetée dans l’industie

Et maintenant ? 

HoloLens laisse un marché important un peu orphelin, et une base de (gros) clients mécontents de ce manque de constance et de support de l’entreprise américaine. En même temps, c’est un excellent moment pour chaque entreprise utilisatrice de prendre un peu de recul, et de se demander quel serait le produit idéal pour ses usages, basé sur des POC et déploiements, les retours utilisateurs.

Microsoft laisse une base installée éprouvée et une mine d’informations. Aujourd’hui les cas d’usages concrets, documentés et efficients de la RA sont nombreux. Il n’y a aucun doute que des acteurs vont s’engouffrer dans la brèche, et des fabricants ont déjà (ou préparent) des produits lunettes et casques qui pourront répondre à ces besoins spécifiques et clairement identifiés. pour des entreprises du marché. Raison de plus pour être préparé à cette (on espère) déferlante. 

Consultant réalité augmentée à GMC | Site Web | Plus de publications

Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.

CEO à REAPSE CONSULTING | Site Web | Plus de publications

Valérie dirige Reapse Consulting, une société de conseil spécialisée dans la Réalité Augmentée et Mixte. Son rôle est de montrer aux entreprises comment la RA peut booster leurs activités et les aider à la mise en œuvre, au travers d'une base qualifiée de 500+ prestataires en Europe .
Elle aide aussi des startups XR à affiner leurs stratégies, des fabricants de lunettes connectées à trouver leurs marchés, ayant développé une très bonne connaissance de l'écosystème mondial des "smartglasses".
Certifiée experte numérique France 2030, affiliée au réseau Européen d’experts, et au board de RA Pro, elle est aussi un membre actif du CNXR.

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