« A la mode de chez nous », la réalité augmentée au service des contes et de la pédagogie.

La réalité augmentée est utilisée dans le milieu de l’édition depuis des années mais souvent, il faut le reconnaître, sans beaucoup d’imagination. Parfois, cependant, nous découvrons de véritables perles, où la technologie vient apporter « une chose en plus » avec finesse et intelligence. Le projet « A la mode de chez nous » est de ceux là et nous avons évidemment voulu en savoir plus! Rendez-vous donc avec Alexandre Baro, l’initiation, sur une version métal d’une souris verte !

Bonjour Alexandre, pourrais-tu commencer par te présenter et à nous parler de ta société de production ?

Bonjour, mon parcours est assez éclectique, passant du monde du sport, au monde du vin puis au monde de la musique pour atterrir dans le monde de l’enseignement spécialisé pour les élèves en difficultés scolaires et dans la création de Baro Productions.

Cette société de production est essentiellement focalisée sur le développement du concept A la mode de chez nous. Le concept « A la mode » est un réel écosystème culturel basé sur les comptines enfantines françaises.

L’application « Une souris verte » est disponible sous Android et IoS

Il regroupe une production musicale de haut niveau avec plus de 70 musiciens professionnels (Jocelyne Béroard, Jean Deveza, Amélie Affagard, Vincent Blanchart, etc.) ; une production vidéo-graphique organisée autour d’illustrateur.trice.s de jeunesse français et belges (Christelle Lardenois, Nicolas Gouesbet, Maud Cressely, etc.) ; une production de livres et d’applications en co-édition avec la société Perroquet Bleu intégrant entre autre la réalité augmentée ; une production d’exposition intégrant la RA et enfin la production de concert sous casque avec la société Silence Events.

Mon principal objectif est l’innovation ; aller au-delà de tout ce qui a été produit auparavant en termes de qualité et d’originalité pour les enfants. Cela ne m’intéressait pas reproduire ce qui existe déjà dans ce domaine qui demeure assez sclérosé. « Une souris verte » version Hard Rock ou « une mère Michel » version Electro-disco permet de faire bouger les lignes des comptines pour enfants.

Peux-tu nous raconter comment est née l’idée d’intégrer de la réalité augmentée dans la série “A la Mode de Chez Nous” ? 

Cette idée est tout simplement venue d’une rencontre avec le travail d’un développeur Marc-Aurélien Chardine. Lors d’une formation sur les innovations numériques pour l’enseignement, j’ai vu ce qu’il était possible de créer pour l’apprentissage des savoirs scolaires et je me suis dit « cette technologie est géniale, il faut que je puisse l’intégrer dans mes applis ! « 

L’objectif était de proposer une application grand public servant aussi bien aux enseignants de maternelle qu’aux parents avertis.

La réalité augmentée permet aux différents supports (livre/CD/appli) d’être tout simplement connectés entre eux.

Vous pouvez tester la réalité augmentée sur la pochette du CD

Pourrais-tu nous décrire les réactions des enfants et des parents ? Que retiennent-ils de cette expérience ?

Les réactions que mon équipe et moi-même avons pu observer sont très encourageantes, notamment sur le festival du livre de jeunesse de Rouen en décembre dernier. Le milieu littéraire reste un milieu hostile au numérique avec beaucoup d’a priori. Au premier abord, les amoureux du livre ont dénigré l’utilisation de notre application pour flasher le livre. Puis après explications et testing, ils comprennent la valeur ajoutée de cette connexion entre le papier et le numérique. Beaucoup d’enseignantes en maternelle ont qualifié l’utilisation de cette technologie de « réalité augmentée pédagogique » ce qui me va tout à fait. Nos applications sont faites pour apprendre, écouter, découvrir un univers musical et graphique, créer une première expérience de RA tout en s’amusant.

Alexandre Baro (source https://alamodedecheznous.eu/disque/ )

D’ailleurs, il faut voir les yeux des enfants qui s’illuminent ou qui s’interrogent quand ils flashent une page de livre « A la mode » ou le livret du CD de « comptines plantées » ; c’est le côté magique qu’offre la réalité augmentée. Les enfants rient, s’amusent et partagent avec leur parents leurs découvertes. 

Notre travail permet d’imaginer un nouveau pont entre le monde du livre et le monde du numérique ; on oppose systématiquement les deux, d’un côté on diabolise les applications et de l’autre on ringardise le support papier. J’avais pour désir de casser cette rivalité qui n’a pas vraiment de fondement.

Nous serons présents sur le stand de la région Normandie au prochain salon de Paris les 20/21 mars, mais aussi invités par les organisateurs du salon pour un atelier « Après le livre, l’histoire continue… en numérique » ce qui nous permettra avoir encore plus de feed-back.

De manière plus large, comment vois-tu l’utilisation de la réalité augmentée chez les enfants ? Quels sont les autres bénéfices ? Y a-t-il des risques ? Que manque-t-il au secteur aujourd’hui ?

Nous sommes aux balbutiements des utilisations de la RA chez les enfants et même du développement de la RA tout court. Les algorithmes vont évoluer, se transformer pour passer au 64 bits en 2021. Donc inévitablement, des portes vont s’ouvrir. Nos projections d’utilisations de la RA sont encore floues, je pense que nous serons surpris des applications de la RA dans 5 à 10 ans, une nouvelle génération de développeurs s’emparera du travail déjà accompli pour le pousser encore plus loin. On peut voir un parallèle avec l’utilisation du sampling/échantillonnage dans la musique actuelle (Rap, R’n’B) qui domine le marché mondial.

En revanche, il faut avoir quelques garde-fous pour obtenir de réels bénéfices et limiter les risques ; les parents placent trop souvent des objets numériques dans les mains de leurs enfants sans guidance.

Il est assez délicat aujourd’hui de proposer des activités sur tablettes ou smartphones à des jeunes enfants. Comment voyez-vous cette utilisation en lien avec les histoires et quels sont les arguments pour convaincre les parents et les professionnels de la petite enfance ?

Le cœur du problème est ici, je me place complètement sur la ligne de conduite (3-6-9-12 ans) de Serge Tisseron avec qui j’ai échangé en août dernier quand je lui ai présenté le concept « A la mode de chez nous ». La tablette ou le smartphone ne doivent pas être la nounou du 21e siècle !

Oui effectivement, mon discours est clair, avant 3 ans, les enfants ne doivent pas être exposés aux écrans (tablettes, smartphones) et le moins possible pour les autres écrans (TV, vidéoprojecteur, cinéma)

Le cerveau d’un enfant de 2 ans n’est pas assez mature pour profiter des apports numériques. Pour qu’il se développe correctement le cerveau a uniquement besoin de stimulations kinesthésiques les plus variées possibles. Les applications ne peuvent pas remplacer cela. Mais à partir de 3 ans, on peut commencer à faire vivre des expériences numériques riches mesurées dans le temps, en accompagnant l’enfant. On doit le faire verbaliser le plus possible sur ce qu’il vit quand il utilise une application.

Cette pratique permet de créer de nouveaux schèmes moteurs (connections nerveuses) entre les deux hémisphères cérébraux du cerveau. Au final on va clairement obtenir tous les bienfaits de l’utilisation d’un support numérique (tablette) mais pour cela les parents doivent être obligatoirement présents.

Les nouvelles technologies sont tellement réalistes et puissantes que l’addiction aux jeux ou réseaux sociaux pour les plus grands est quasi inéluctable. Nous avons le devoir de créer des choses fantastiques tout en proposant aux parents la marche à suivre : plusieurs pistes comme la verbalisation orale qui permet d’expliquer sa stratégie de jeu, d’acquérir du vocabulaire spécifique, de montrer sa compréhension de l’univers de l’application.

Le point le plus important reste le facteur temps car un jeune enfant n’a aucune capacité pour gérer son temps d’utilisation de jeux, de réseaux sociaux. C’est déjà très difficile pour beaucoup d’adultes, alors pour un enfant qui peut avoir des difficultés pour se repérer sur une journée, une semaine ou un mois…

L’aspect le plus dangereux est lorsque le jeune enfant ne fait plus ou pas la différence entre vie réelle et vie virtuelle. Dans le cadre de mon activité d’enseignant spécialisé (EN) à dominante relationnelle, je travaille avec ce public et le retour à la « sobriété numérique » peut être difficile car l’équilibre psychique est malmené.

Avec tous ces travers possibles, les concepteurs de demain doivent penser méthodologie d’accompagnement parentale, c’est un argument qui fera la différence pour les futurs consommateurs d’applications diverses.

Sans trahir de secrets, quelles sont les prochaines étapes pour le développement de la série “A la Mode de Chez Nous” ?

Tout d’abord nous devons étoffer la collection d’application, y intégrer des nouveautés servant aux apprentissages semi-autonome (présence de l’adulte)

Proposer l’utilisation de la collection d’application « A la mode » sur d’autres supports hardware que la tablette ou le smartphone, comme par exemple des écrans plats tactiles ou vidéo projecteurs tactiles.

Des accords sont en cours, donc je ne peux pas vous citer de marque ou référence pour l’instant mais une fois de plus nous allons surprendre les gens 😉 

Un grand merci à Alexandre pour tout le temps accordé et rendez-vous sur le site A la mode de chez nous pour suivre les prochains développements de cette aventure.

Consultant réalité augmentée à GMC | Site Web | Plus de publications

Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.

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