Comme tous les ans, l’écosystème mondial de la XR se donne rendez-vous en Mayenne à Laval, qui devient pendant 5 jours la capitale mondiale des technologies immersives. Depuis des années, RA’pro est partenaire de ce fabuleux événement et nous vous proposons dans cet article collaboratif un retour sur nos découvertes, nos étonnements et nos questions. Pour simplifier, nous ne parlerons ici que de la partie “salon”, nous reviendrons sur les conférences dans un prochain article. Nous nous excusons par avance auprès des entreprises que nous ne citons pas ici, il y avait trop de choses à voir !
Entreprises, usages et innovations
Commençons par les entreprises habituées du salon et même l’entreprise qui a reçu un prix spécial de Laval Virtual pour sa participation constante depuis le 1er Laval Virtual en 1999 : Immersion ! Cette année, les équipes de l’entreprise mettaient en avant un projet dirigé par le CNRS pour la ville de Singapour : DesCartes (Decision-making in Critical Urban Systems). Le projet porte sur la création d’une IA pouvant assister les autorités municipales dans la prise de décisions complexes. Immersion travaille en particulier sur l’aspect IHM et les meilleures manières d’utiliser la réalité augmentée pour visualiser les flux d’informations en temps réel. La maquette présentée sur le salon servait de point d’ancrage pour l’outil de visualisation, opéré à travers des lunettes Magic Leap et d’autres matériels. Une belle démonstration d’usage concret.
Autre projet impressionnant, PI5G qui est à la convergence de la XR, de l’IA, de la 5G et de la robotique. Présenté sous l’égide du CEA, le consortium (composé de Halys, Haption, Immersion, Light And Shadows, Lynx et le CEA) nous a fait la démonstration du pilotage à distance d’un robot par un opérateur utilisant un casque de VR, avec une liaison à faible latence sur un réseau 5G privé. Les applications potentielles sont très nombreuses. Nous aimerions voir plus de projets collaboratifs de ce type sur les prochains Laval Virtual !
Côté constructeurs, HTC et Meta ont choisi tous les deux de mettre en avant leurs écosystèmes de créateurs d’expériences. Nous n’avons pas eu d’annonces révolutionnaires, mais plutôt une volonté de consolidation du marché par les usages.
C’était également un plaisir de retrouver les produits de Varjo sur leur stand commun avec Myxed avec de très belles démos qui rappellent que l’on a des bêtes de guerre sur le plan du matériel VR en Europe !
Coté nouvelles entreprises, nous avons été agréablement surpris par la proposition des belges de GetYourWay et leur dispositif HUD simple et efficace associé à une plateforme logicielle dédiée. Le service est une assistance à distance rapide à mettre en œuvre et facilement déployable dans toutes les entreprises.
Au détour des différents stands, nous nous sommes demandés si nous n’assistions pas à une sorte de retour des dispositifs CAVE (Cave Automatic Virtual Environment) ? En effet, un certain nombre de démonstrations utilisaient de la projection collaborative (Immersion, X Cave, Barco, Imagin VR…), avec des usages ciblés sur l’industrie manufacturière et des cas d’usage percutants comme la visite d’usines de manière collaborative. Face à un développement des casques de VR qui posent des difficultés pratiques de management et de sécurité, le CAVE reste une alternative intéressante pour certaines utilisations collaboratives spécifiques.
Nous avons noté la présence à Laval cette année d’une entreprise allemande proposant des produits de BCI (brain-computer interface), Brain Products. Ils présentaient en particulier le résultat du projet européen “Mindtooth Project” sous la forme d’un casque de captation et d’une suite logicielle. Pour être complet, notons également que le Multisensory Signal Analysis and Enhancement Lab (Canada) présentait également ses travaux sur le sujet dans la partie #Research. La BCI n’est pas vraiment nouvelle même si la publicité autour des expériences actuelles de Neuralink l’a remise au cœur de l’actualité ces derniers mois. Il ne semble pas y avoir actuellement de marché grand public pour des équipements BCI à part entière. Toutefois, quitte à avoir des lunettes ou un casque AR/VR sur la tête, la convergence des équipements et l’intégration de capteurs BCI dans les casques ont beaucoup de sens pour améliorer l’expérience utilisateur.
Nous avons par ailleurs trouvé quelques propositions intéressantes dans le domaine de l’haptique, secteur un peu absent du salon ces quelques dernières années. En dehors du projet PI5G dont nous avons parlé plus haut et de la jeune pousse française Actronika avec son incroyable veste haptique, la société Haply Robotics présentait son dispositif Inverse3. Le produit est étonnamment compact et très simple à prendre en main. Nous avons de plus constaté un retour haptique très précis. L’entreprise est également en train de préparer une version encore plus simple qui sera financée par une campagne participative d’ici à l’été 2024.
Dans le secteur médical, c’était un plaisir de découvrir sur le stand HRV simulation l’ensemble des usages mis en avant pour la santé. L’entreprise présentait à la fois des outils très pointus destinés à la formation des chirurgiens dentaires et le Cycléo, le vélo connecté de Cottos Médical destiné à améliorer le bien-être et l’autonomie des séniors.
Un dernier point intéressant : Nous avons rencontré cette année plusieurs stands de fournisseurs chinois proposant tout un éventail de pièces utiles pour le matériel de XR : Dongguan Yuanguan Technology, Hongyi Opto-electronic, NOKOV Motion Tracking System et Toplite International. Allant des simples capteurs à des blocs optiques complets, ces constructeurs peuvent également faire de l’intégration et réaliser, in fine, un produit à façon complet. L’arrivée des fournisseurs chinois était par ailleurs une petite surprise du MWC 2024 alors qu’elle est une habitude pour le CES de Las Vegas. On peut imaginer que le durcissement des relations entre les USA et la Chine poussent ces entreprises à chercher de nouveaux débouchés, en particulier en Europe. A l’heure où des grandes entreprises et institutions européennes comme l’ESA ont annoncé travailler sur la possibilité de fabriquer leur propre matériel, la disponibilité des briques de base pourraient donner des idées à d’autres acteurs sur secteur !
Terminons cette présentation par quelques absents qui ne l’étaient pas vraiment 🙂 Pas de stand pour l’entreprise francaise Lynx cette année. Les équipes se concentrent à la fois sur l’envoi des casques pré-commandés et sur une lévée de fonds pour consolider l’entreprise. Nous avons cependant pu voir Marc Puizzi (Product & Partnership manager) durant les conférences pour présenter les dernières utilisation du casque et l’engagement de sa production vers plus de durabilité. Pas de stand non plus pour Apple mais des casques Vision Pro assez nombreux sur le salon et plusieurs développeurs indépendants présents pour faire des démonstrations « en Off ». Sans trahir de secret, plusieurs personnes de l’entreprise étaient présents pour sentir le marché. nous espérons les voir l’an prochain de manière un peu plus organisé 🙂 Plus surprenant, Microsoft n’était présent (officiellement) que pour présenter une conférence (trés intéressante au demeurant puisqu’elle donner des exemples de l’intégration de Copilot, l’IA maison, dans Mesh). Les Hololens étaient portant bien présents sur plusieurs stands pour des usages principalement industriel. Cette discrétion ne va pas nous aider à y voir plus claire dans la stratégie XR de l’entreprise. Enfin, nous avons pu croiser plusieurs exemplaires des Magic Leap 2 en particulier sur les stand de Immersion et de Synergiz. C’était un retour trés attendu de la marque américaine qui a commencé un redéploiment de ses activités en Europe. Nous espérons ici aussi voir une présence plus officielle l’an prochain !
Le coin des startups et des expériences
Impossible de le rater dans l’espace dédié aux startups ! Le simulateur de vol sur vérins de Motion XP prend un peu de place et se voit de loin. Quand on dit que les startups naissent dans les garages, ici ce n’est pas une blague, c’est bien là qu’un des cofondateurs passionnés l’a imaginé et construit. Le système est impressionnant de qualité. Niveau de finition, précision, robustesse, tout est au top pour vivre des simulations 6DOF sans aucune gêne (même en faisant des loopings). Et en plus, il est proposé en kit à installer à 10000€ ! C’est vraiment la bonne surprise de Laval Virtual 2024.
La startup belge DEXR est venue présenter une plateforme de création simplifiée de solutions de formation en XR. Partant du constat que la création est compliquée pour des professionnels de la formation, DEXR propose un outil no-code avec des contenus partagés. Le résultat est utilisable immédiatement, en version multi-plateforme. Notez que DEXR a reçu le prix de la meilleure startup pour cette édition.
Nous avons pu découvrir le logiciel Genuage (visualisation et l’analyse de données multidimensionnelles en nuages de points) et son option en réalité virtuelle. Le développement est une collaboration entre l’Institut Curie et l’Institut Pasteur. C’est toujours plaisant de trouver des logiciels open source de cette qualité.
Du coté des #Expériences, partie du salon dédiée au créateurs de contenus et studios de production en XR, nous avons expérimenté plusieurs projets créatifs. En voici 3 qui nous ont particulièrement marqués.
Le prix du Jury Awards Laval 2024 a été remporté par l’expérience « Sen » de CinemaLeap, une société de production basée à Tokyo. Ce personnage vous fait voyager avec une douceur extraordinaire. L’ambiance sonore est mariée avec des mondes sensibles et bienveillants.Les émotions montent et varient durant toute l’expérience.
Synopsis : “Pendant le chanoyu, la cérémonie traditionnelle du thé japonaise, Sen, l’esprit du thé, prend vie dans la tasse de thé Raku. Sen découvre la nature de son environnement, révélant et appréciant sa relation avec les autres êtres. Ils trouvent du réconfort dans leurs liens et établissent de l’empathie, mais leur monde paisible est soudainement détruit. Sen retombe alors dans le bol à thé et se dissout en particules errantes, apprenant qu’il fait un avec son environnement.”
Frequency, un projet d’art immersive de l’artiste Ellie Omiya, était présentait également par CinemaLeap. le graphisme de cette expérience est magnifique.
Synopsis : ”Anne, le personnage principal, vous donne un marqueur pour dessiner votre propre fréquence. Plongée dans le monde de la peinture, elle vous entraîne dans un voyage pour découvrir son « but dans la vie » en affrontant diverses luttes personnelles. L’histoire d’Anne montre que nous sommes entourés de multiples fréquences différentes et que nous devrions célébrer nos différences plutôt que de réprimer notre singularité. À la fin, vous êtes à nouveau invité(e) à dessiner votre propre fréquence : à quoi ressemble-t-elle ?”
Le projet Zan présente une expérience en Réalité virtuelle basée sur un rituel taoïste traditionnel, le ‘Guān Luò Yīn’.
”Nous invitons le public à enfiler le casque de réalité virtuelle (d’autres peuvent se joindre en observant) lors d’une performance. L’intrigue de l’œuvre d’art sera basée sur la conversation et l’interaction entre le public et les acteurs. Les images dans le casque dépendent de la conscience du public et de ses réponses verbales, façonnant la création de contenu généré par l’IA.”
Les projets des équipes internationales (ou comment pêcher comme un cormoran !)
Comme toutes les années, nous avons pris du temps pour aller visiter tous les stands des groupes d’étudiants dans le village #ReVolution. Voici les 4 expériences qui nous ont particulièrement marquées.
La plus étonnante était sans doute celle de l’équipe de la Gifu University (Japon) qui vous proposait de découvrir la pêche au cormoran, une spécialité de la région de Gifu. Vous vous mettez dans la peau de l’animal ! Si la description est simple, l’équipe a mélangé de la VR, de l’haptique et de multiples interactions. C’est assez indescriptible mais vous pouvez vous faire une idée grâce à la vidéo suivante.
Autre découverte étonnante, le Glass Harmonica (Harmonica de verre) de l’équipe du laboratoire Idehara de l’université de Tama. Cet instrument historique créé par Benjamin Franklin en 1761 est modélisé dans l’expérience, et l’utilisateur va pouvoir apprendre à en jouer. Comme dans de nombreuses réalisations du laboratoire Idehara, le résultat est assez magique en combinant de l’haptique, du son et de la visualisation.
Le Rescue Simulator, de l’équipe du College of Image Arts and Sciences de la Ritsumeikan University au Japon, est assez différent. Il s’agit d’un outil d’entraînement aux gestes de secours (massage cardiaque, défibrillation) utilisant la réalité augmentée et tout un système de capteurs, de retours haptiques et visuels. La compacité de l’équipement est absolument fantastique. C’est simple à mettre en œuvre et facilement transportable.
Embrace est un projet d’une équipe de la National Tsing Hua University (Taiwan) dont l’objectif est de sensibiliser l’utilisateur à l’anorexie mentale. Cet équipement combine, comme beaucoup de projets, la réalité virtuelle et les effets haptiques. Toute la beauté du projet vient de la combinaison d’un scénario intelligent utilisant les aspects les plus banals de la vie quotidienne avec les sensations physiques ressenties.
Rendez-vous en 2025 pour la prochaine édition de Laval Virtual qui se tiendra du 9 au 11 avril !