Pourquoi ne voit-on pas plus de réalité augmentée dans l’industrie ?

La question est un peu brutale mais, après des années de tests pour la plupart très encourageants, il me semble légitime de se poser la question de la diffusion de la réalité augmentée dans les industries. C’est l’objet d’une étude très intéressante, publiée sous le nom « Reflections on the Limited Pervasiveness of Augmented Reality in Industrial Sectors » dans le cadre du numéro spécial de Applied Sciences « Augmented Reality: Current Trends, Challenges and Prospects« . Je vous propose de revenir sur les points clés de cette étude sans toutefois entrer dans les détails que vous pouvez trouver dans l’article en open acces.

Source : Statista—The Statistics Portal for Market Data, Market Research and Market Studies

Comme les auteurs le soulignent en introduction, on trouve aujourd’hui de nombreux cas d’usages de la réalité augmentée dans l’industrie avec en particulier des résultats spectaculaires d’efficacité en formation et en maintenance. Au cours des dernières édition de Laval Virtual, nous avons également pu entendre de nombreux témoignages des industriels sur tous les bienfaits qu’ils pouvaient mesurer dans l’utilisation de ces technologies. Pourquoi dans ces conditions la réalité augmentée n’est-elle pas plus présente ? Pourquoi a-t-elle encore du mal à sortir des « grands groupes » ? Pour répondre à ces questions les auteurs ont mené des tests dans trois secteurs industriels : l’automobile, la fabrication et les chemins de fer. Le nombre de personnes concernés est faible (56) mais les difficultés remontées sont très intéressantes.

Vous pouvez trouver une synthèse des observations sur le diagramme suivant :

Il est déjà intéressant de voir que les limitations exprimées par les utilisateurs sont les mêmes, quels que soient les domaines. Si les limites actuelles de la technologie et les soucis d’interactions sont bien mis en avant, le principal sujet de préoccupation est dans la faible possibilité d’adaptation de l’organisation elle-même. Une des conséquences de cette limitation est le taux de transformation « POC => production » assez faible les projets de RA.

Cela peut paraître évidement mais l’infrastructure IT de l’entreprise est une partie importante du projet. La réalité augmentée se nourrit de data et la data est dans les bases de données de l’entreprise, pilotées et sécurisées par la DSI. Sans implication de la DSI (et de la RSSI) dès les début, il est peut probable que la mise en production se passe bien. C’est une évidence que nous expliquons à RA’pro depuis longtemps mais qui pénètre lentement les esprits 🙂

Worklink remote assistance de ScopeAR

Pour que cette infrastructure soit adaptée, il faut également que les personnes qui en ont la charge (internes ou externes) soient capables de comprendre les enjeux et les contraintes de la réalité augmentée. Comme le montre cette enquête, c’est encore rarement le cas dans les entreprises utilisatrices. Les projets sont pilotés par un chef de projet interne dans le meilleur des cas, mais la compétence reste chez le fournisseur. Comment dans ce cas peut-il s’adapter aux évolutions constantes de l’entreprise ? Pas simple ! Généralement, le cahier des charge est suivi … et la solution finale est obsolète le jour de sa sortie. Aujourd’hui, si vous êtes utilisateurs, vous n’avez pas le choix, vous devez avoir de la compétence en interne sur ce sujet. Et si vous êtes prestataire, vous avez tout intérêt à faire monter en compétence votre client, auprès duquel vous aurez la position d’expert.

Notons cependant une évolution des outils (et des méthodes) qui est en court depuis deux ans dans l’industrie : l‘autonomisation des utilisateurs grâce à des outils de création de plus en plus performants. Cela pourrait répondre en grande partie aux deux contraintes que nous venons de voir. L’intégration de Vuforia dans les suites PTC, la mise en place des Dynamics 365 Remote Assist de Microsoft avec Hololens, les outils de ScopeAR, la plateforme Worksense de Daqri … autant de systèmes prêts à être intégrés à des environnements IT existants et qui gomment juste assez la partie technique pour permettre aux utilisateurs de gagner en expertise d’usage.

‘DAQRI Show‘ un élément de la suite Worksense

C’est probablement grâce à ces outils que la réalité augmentée va pouvoir gagner en masse la production des grands groupes et se diffuser vers les ETI et les PMI. Il ne vous a pas échapper que les intégrateurs « classiques » de solutions informatiques (ex SSII) proposaient de plus en plus de RA à leur catalogue. D’ici la fin de cette année, il est probable que les revendeurs de solutions Microsoft vous proposent également ce type de solutions comme ils le font pour les suites Office !

Evidemment, si vous êtes fournisseurs de solutions de réalité augmentée et que vous proposez les mêmes fonctionnalités mais sans interopérabilité et avec une mise en place plus complexe, il est peut-être temps de réfléchir à la suite …

AR consultant & RA'pro president à GMC | Site Web | Plus de publications

Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.

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