L’utilisation de la réalité augmentée pour la formation n’est probablement pas une découverte pour vous, lecteurs assidus de ce site 🙂 Si les cas d’utilisation dans les industries se multiplient, ceux en lien avec la formation initiale sont moins nombreux. Hors, ce sont bien les jeunes en formation qui ancreront durablement l’utilisation de la réalité augmentée en entreprise. Nous vous proposons donc de découvrir dans cette interview à plusieurs mains comment un professeur et un étudiant de l’ICAM Toulouse ont entraîné leur établissement dans la découverte de la réalité augmentée … avec la complicité de Robocortex.
Allons donc à la rencontre de Nathan MENUAT (étudiant ICAM Toulouse), Serge VINEL (professeur ICAM Toulouse) et Manuel Asselot (VP Sales and Marketing chez Robocortex).
Nathan, est-ce que vous pouvez nous expliquer le projet que vous avez mis en place ?
Dans le cadre d’un projet en relation avec ma formation d’ingénieur généraliste à l’Icam, j’ai été amené à réaliser une fiche de poste en réalité augmentée pour guider les utilisateurs à utiliser correctement une découpeuse Laser. Cette machine se trouve sur le campus Icam de Toulouse et est accessible librement par les étudiants.
Cependant, malgré une initiation obligatoire sur cette dernière, certains utilisateurs commettent des erreurs de manipulation qui peuvent endommager la machine, impliquer des coûts supplémentaires et/ou causer des risques physiques.
L’école avait donc besoin d’un complément de formation pour une bonne utilisation, en autonomie, de la découpeuse laser. La création d’une fiche de poste pour utiliser la machine était alors une solution.
Une fiche de poste est un document de référence lors de l’utilisation d’une machine. Elle indique les étapes d’une bonne manipulation en sécurité de la machine mais elle ne remplace pas une formation. J’ai ainsi dû réfléchir au format la plus adapté pour ce document et être le plus pertinent possible dans sa réalisation (intuitif, simple et efficace). J’ai alors mis à profit le partenariat développé avec mon école et la société Robocortex qui m’a mis à disposition leur logiciel de réalité augmentée. Grâce à ce dernier j’étais capable de réaliser un format de fiche de poste comportant une caractéristique essentielle à mes yeux pour ce type de document : avoir un retour en temps réel du bon déroulement des manipulations que l’on réalise sur la machine.
La solution que j’ai imaginée et ensuite mis en œuvre grâce au logiciel AugmentedPro de Robocortex est une application smartphone guidant les gestes de l’utilisateur par réalité augmentée. Le principe est simple, il s’agit d’un tutoriel interactif à suivre étape par étape en pointant le téléphone vers le matériel. L’application indique en temps réel, grâce à la réalité augmentée venant se superposer sur l’écran à la réalité filmée par la caméra, où effectuer les actions demandées dans le tutoriel. Ainsi, l’expérience utilisateur se déroule en autonomie, en sécurité et dans le respect du matériel.
L’application possède 3 parties majeures :
- Pré-requis : regroupe les étapes de préparation de la machine.
- Logiciel : une fois le fichier de découpe prêt, sert aux préparatifs et au bon paramétrage logiciel de la machine en vue de l’impression.
- Machine : cette partie indique comment lancer une impression ainsi que la mise hors tension du système.
Nathan, pourriez-vous nous expliquer la manière de “se mettre” à la réalité augmentée ? Avez-vous rencontré des difficultés particulières ?
Robocortex fournit des solutions logicielles d’aide aux opérations industrielles avec l’utilisation de réalité augmentée et j’ai eu l’occasion d’exploiter la suite AugmentedPro, qui inclut un composant Creator pour la création de procédures et un composant Player pour l’exécution de procédures. C’est un logiciel de réalité augmentée haut de gamme et surtout une solution d’aide à l’exécution d’opérations industrielles en utilisant cette technologie. Elle permet d’identifier de manière automatique un équipement industriel et de visualiser directement sur des équipements, tels que des tablettes ou des lunettes connectées, des informations métiers (texte, vidéos, modèle 3D ou animations) cela permet de guider l’opérateur dans tâches de maintenance, de production et de contrôle.
J’avais donc simplement à disposition des tutoriels, disponibles sur leur site internet, apprenant à faire des projets de bases avec une explication sommaire de chaque fonctionnalité du logiciel.
Ainsi, j’ai dû me former en autodidacte à un logiciel qui m’était inconnu et dans un domaine où je n’avais aucune connaissance. Il m’a fallu m’adapter et faire preuve d’imagination. Premièrement, je n’avais aucune idée du potentiel réel du logiciel. De plus, ce dernier étant constamment en évolution, j’ai dû m’adapter pour contourner certains dysfonctionnements mineurs, surtout pour le faire fonctionner sur les surfaces de ma machine. Je devais aussi faire en sorte que le produit final soit adaptable à tous endroits et en toutes situations (si la machine est amenée à changer de place par exemple) et surtout sur le long terme. Les dernières contraintes concernaient les exigences et requêtes du client qu’il fallait respecter.
Pour se mettre à la réalité augmentée avec AugmentedPro en tant que novice, vous devrez donc exploiter le logiciel de la manière suivante. Il vous faudra apprendre via les tutoriels à votre disposition, calibrer correctement votre appareil, tester la réalisation des tutoriels afin de comprendre la logique du logiciel et de voir plus loin ce qu’il est possible de faire avec les outils à disposition avec les bases apprises dans les tutoriels. Vous devrez donc laisser libre cours à votre imagination pour expérimenter les possibilités du logiciel.
J’ai eu la chance de collaborer tout le long du projet avec l’équipe de Robocortex. Cet échange nous a permis d’un côté à ce que je lui fasse un retour de mon expérience utilisateur concernant les bugs que je rencontrais afin qu’ils puissent les corriger pour ne plus qu’elles se reproduisent dans leur logiciel. D’un autre côté cela m’a permis d’avoir en retour de l’aide et des réponses à mes questions. Les membres de l’équipe sont très disponibles et cela m’a été bénéfique car ces derniers m’ont souvent débloqué dans des situations d’incompréhension et je leur en suis très reconnaissant.
Nathan, quels sont les bénéfices de votre point de vue ?
L’application que j’ai mise au point permet en premier lieu de réduire les erreurs commises par les utilisateurs de façon significative. Cela permet également d’éviter des coûts supplémentaires et des dommages physiques du matériel. Par ailleurs, le déroulement de ce tutoriel interactif en réalité augmentée permet à l’utilisateur de se former bien plus rapidement qu’auparavant.
D’après moi, le type de fiche de poste que j’ai réalisé en réalité augmentée est utilisable à beaucoup plus d’applications. En effet, il est possible d’adapter le concept à une infinité de machines, ce qui ouvre la porte de cette technologie à plein de domaines industriels. De plus, il reste plusieurs fonctionnalités très poussées que je n’ai pas eu l’occasion d’exploiter ce qui rend le potentiel de ce type de réalisation encore plus important. C’est donc pour moi une technologie d’avenir et qui est encore en développement, c’est dire l’importance de la place qu’elle aura dans le futur en termes d’innovation.
Serge, d’un point de vue pédagogique, quelle sont les apports de la réalité augmentée que vous avez constaté dans votre formation ?
Pour le moment nous sommes dans une phase d’expérimentation de cette technologie, nos premiers essais montrent un attrait important de la réalité augmenté auprès de nos étudiants. Il nous reste à vérifier si cet intérêt dépasse le cadre de la nouveauté et perdure dans le temps.
Notre objectif est de permettre un accès libre pour les étudiants à un certain nombre d’équipements et de leurs permettre de les utiliser en autonomie sans avoir besoin de multiplier les formations ou les habilitations pour chaque équipement.
Serge, avez-vous envisagé de mesurer les apports de la RA ? ( temps gagné / taux de réussite / etc.)
Nous n’avons pas mis en place d’indicateur de suivi, mais nous souhaitons évaluer les gains dès la mise en place de l’application de Nathan pour l’ensemble de nos étudiants.
Nous serons très attentifs aux retours d’expériences de ces derniers qui représentent un public très exigeant par rapport aux nouvelles technologies.
Serge, avez-vous pu partager l’expérience avec d’autres enseignants ? Quelles ont été leurs réactions ?
Les réactions de l’équipe enseignante est très positive, certains sont intéressés pour développer des applications adaptées à leurs propres matériels de laboratoire. Il reste à passer la phase de découverte des logiciels de mise en œuvre de Robocortex.
Il sera nécessaire à un moment de lancer des actions de formations et d’appropriations de ces outils, si possible en inversant les rôles et en proposant à un groupe d’étudiant de former les personnes qui le souhaitent.
Manuel, comment s’est passée la rencontre entre l’ICAM et Robocortex ?
Nous sommes présents sur de nombreux salons orientés sur l’utilisation de nouvelles technologies pour les opérations industrielles. Nous étions en particulier à la dernière édition du salon SIANE à Toulouse, où nous nous sommes rencontrés avec Serge. À travers les démonstrations proposées sur notre stand, il a pu voir sur place l’intérêt de l’utilisation de la réalité augmentée sur des cas d’usage industriels ainsi que les liens possibles avec l’usine connectée, l’internet des objets industriels et l’échange de données avec le système d’informations.
Manuel, est-ce que Robocortex propose des licences spécifiques pour les écoles ?
Notre logiciel peut être utilisé gratuitement par les écoles à des fins pédagogiques, je les invite d’ailleurs à me contacter pour la mise en place d’une licence gratuite. Nous considérons qu’il est essentiel que les techniciens, les ingénieurs et les décideurs de demain aient facilement accès aux nouvelles technologies au cours de leur formation. Les évolutions de l’industrie se feront selon leur vision du monde, ils doivent donc avoir toutes les cartes en main pour prendre les bonnes décisions. Nous en tirons par ailleurs un bénéfice immédiat, à travers leur utilisation et les partenariats qu’ils peuvent avoir avec des industriels : les retours de nos utilisateurs nous permettent d’identifier les fonctionnalités clés sur lesquelles nous mettons nos efforts de développement pour les prochaines versions.
Une conclusion ? comment voyez-vous la place de la RA dans la formation dans les 10 ans qui viennent ?
Serge
Pour ma part, je suis plutôt confiant sur un développement important des technologies de réalité augmentée, il reste cependant quelques écueils à franchir pour que cette technologie devienne naturelle pour l’utilisateur.
- Un savoir-faire sur le développement de guidelines adaptatifs par rapport au niveau d’expertise de l’utilisateur pour rendre l’outil pratiquement invisible.
- Une évolution technologique des solutions de visualisation (tablettes ou lunettes) pour améliorer le confort visuel et l’ergonomie des solutions.
Manuel
Les bénéfices que les industriels tirent de l’utilisation de la réalité augmentée pour l’aide aux opérations (montage, maintenance, contrôle) sont maintenant bien identifiés, avec en particulier le gain de temps passé sur les opérations et le gain en qualité en réduisant le taux d’erreurs commises. Ces bénéfices commencent maintenant à être quantifiés avec le nombre croissant de projets aboutissant à l’industrialisation d’une solution de réalité augmentée sur le poste de travail. En revanche, mettre des chiffres sur l’intérêt de la réalité augmentée pour la formation reste un exercice difficile car le bénéfice est davantage indirect. D’ici 5 à 10 ans, avec de nombreux retours d’expérience, je suis convaincu que l’ensemble des acteurs n’auront plus à se poser la question de l’utilité de la RA pour la formation et sauront précisément où, quand et comment l’utiliser pour maximiser l’attention des personnes formées, et ainsi leur capacité à comprendre les informations présentées, à les mémoriser, et bien entendu à les transmettre.
Un grand merci à nos trois intervenants pour leur témoignage et un merci tout particulier à Manuel qui nous a facilité les contacts avec l’ICAM Toulouse.
Grégory MAUBON est consultant indépendant en réalité augmentée (animateur et conférencier) depuis 2008, où il a créé www.augmented-reality.fr et fondé en 2010 RA'pro (l'association francophone de promotion de la réalité augmentée). Il a aidé de nombreuses entreprises (dans plusieurs domaines) à définir précisément leurs besoins en réalité augmentée et les a accompagnées dans la mise en œuvre.